Si les reconstitutions napoléoniennes sont présentes en toile de fond, c’est d’abord à un drame intime que le spectateur assiste ici, celui d’un homme qui voit tous ses proches s’éloigner de lui, autant qu’il s’éloigne d’eux : sa femme réduite à son seul rôle d’agent artistique, son frère qui s’enferme dans une passion confinant à la folie, sa mère contrainte de rester enfermée à l’hôpital…
A l’image du personnage principal, qui finit lui aussi par se murer dans son silence, le film est un peu froid, mais c’est pour mieux nous immerger dans cette spirale destructrice qui aspire les personnages les uns après les autres. Et Denis Dercourt s’y entend très bien pour installer un climat étouffant, engendrant quelques longueurs, mais introduisant très progressivement une tension remarquablement maîtrisée, jusqu’à une fin à la fois surprenante et ambiguë, laissant plusieurs questions en suspens. Car finalement, ce ne sont pas les événements qui comptent, mais le lien ténu qui lie les deux frères qui y sont plongés. C’est ce fil invisible qui se noue et se resserre entre deux frères qui ne semblent rien avoir en commun, sauf un aveuglement causé par leur passion respective, incarnés par deux acteurs sensationnels, qui est au cœur du film. Presque sans bouger le visage, Vincent Perez parvient à suggérer finement tous les sentiments contradictoires qui l’animent, face à un Aurélien Recoing énigmatique, et d’autant plus imposant qu’on n’arrive jamais à savoir ce qu’il pense. Mais c’est Jérémie Rénier qui convainc le plus, faisant cohabiter une réelle force de caractère avec une apparente fragilité dans ses rapports sociaux. C’est grâce à cette excellence des acteurs que Denis Dercourt parvient à faire de ce film un drame prenant, qui fait réfléchir.