Un film avec Jake Gyllenhaal attirera toujours mon attention. Avec Jean-Marc Vallée, déjà aux commandes du très bon Dallas Buyers Club (2014), ici à la réalisation, et à la lecture du synopsis, tout présageait un bon moment de cinéma. L’opportunité que j’ai eue de découvrir ce film ne put venir que tardivement, mais l’attente a valu le coup, et deux visionnages plus tard, nous voici ici. Vous l’aurez compris, j’ai aimé Demolition !


J’essaie toujours d’être le plus objectif possible en écrivant sur un film, mon but étant avant tout de parvenir à tirer l’intérêt de chacun, quitte à en reconnaître ses défauts. Le cas de Demolition est un peu plus complexe, car il a su me toucher droit au cœur et, justement, est ce que j’appellerai volontiers un « coup de cœur ». Davis a tout pour réussir, et tout du jeune homme qui a réussi : un travail reconnu et bien payé, une belle femme, une belle maison… Mais quand sa femme décède brutalement lors d’un accident de voiture, tout bascule soudainement. Alors que nous pensons que le pauvre Davis va passer tout le film à tenter de remonter la pente pour se relever de ce deuil tragique, il ne va en réalité montrer aucune émotion. Davis est-il un homme au cœur de pierre ? Pas vraiment. En réalité, c’est le monde dans lequel il vit, plein d’artifices, de codes et de préjugés, qui l’a mené à devenir ainsi, et c’est donc à l’affranchissement de Davis vis-à-vis de tout cela que Jean-Marc Vallée nous invite à assister dans Demolition.


En effet, si nous peinons à comprendre pourquoi Davis est si peu réactif et affecté vis-à-vis de cette tragédie, au fur et à mesure que le film avance, nous parvenons à nuancer notre opinion sur le personnage et à finalement lui trouver des circonstances atténuantes. Demolition critique ouvertement une société matérialiste sans passion, sans ouverture, sans folie ni curiosité, rongée et entravée par un système qui la contraint à vivoter grâce à une routine qu’elle s’impose elle-même. Davis constate que son travail, bien qu’il s’y sente impliqué, ne lui procure aucun bonheur. La grande maison qu’il occupait n’est que le fruit des dollars amassés au travail, et ne symbolise rien sinon un simple bien matériel qu’il a pu s’acheter car ses moyens le lui permettaient et que cela faisait bonne figure. Et pire, il se rend compte que tout cela a débordé sur sa vie de couple, devenue tristement routinière et conditionnée par tous ces éléments extérieurs.


Dans cette libération des consciences, c’est le procès de toute une société immobile, d’une machinerie sans âme, qui est fait. Faire un travail qui ait du sens, se laisser aller et danser au milieu d’une foule de gens marchant tête baissée, revenir aux choses simples, c’est le chemin que suit Davis, mais n’est-ce pas finalement quelque chose à laquelle nous aspirons tous ? Cette histoire, au-delà d’être juste celle d’un jeune financier dont la vie bascule, et qui revient aux fondamentaux, est également celle de nombreux jeunes diplômés et autres personnes choisissant de remettre tout à plat, et de se reconvertir pour retrouver le vrai sens de leur vie. Demolition n’est pas juste un film sur le deuil, c’est également un hymne à la vie, à l’humanité, et un appel à ne jamais oublier qui nous sommes, malgré ce que notre quotidien peut nous faire subir.


Demolition n’est peut-être pas un film d’exception, mais il raconte son histoire, a un postulat intéressant, et propose une heure et demie d’évasion qui fait réfléchir et donne la pêche. Personnellement, j’ai eu tendance à me sentir concerné par ce film, et les questions qu’il soulève et auxquelles il tente de répondre m’intéressent beaucoup. On peut aimer ou ne pas aimer, mais pour ma part, Demolition est objectivement un bon film, et de manière plus subjective, mon gros coup de cœur de l’année 2016.

JKDZ29
9
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le 5 avr. 2017

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JKDZ29

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