Crash
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Elle fredonne une Nocturne de Chopin. Il parle affaires au téléphone. Et soudain, l’accident.
Et le frigidaire dans tout ça ?
Jean-Marc Vallée dissèque le travail de deuil d’un banquier d’affaires qui, par son parcours de self-made man, ferait rêver l’américain moyen. Le prétexte ? Un paquet de M&M’s. La thérapie ? « You have to take everything apart, examine everything, and then you can put it all back together ». Démolir pour reconstruire, bien sûr. Mais quoi et de quelle manière ?
La démolition est d’abord à prendre au sens littéral, via une critique de la société de consommation, avec un Davis Mitchell (Jake Gyllenhaal) qui commence à surinterpréter le conseil de son beau-père et se met à démonter (détruire ?) tout ce qui lui tombe sous la main, de la porte grinçante des toilettes à l’ordinateur de l’entreprise.
Mais plus qu’une attaque sur les valeurs matérialistes, il me semble que c’est la question de la reconstruction qui est intéressante. Car si Davis affectionne particulièrement les M&Ms, il transparaît qu’il n’a jamais réussi à monter un jeu de Kinder Surprise. La bande annonce laisserait penser à une guérison du cœur par le cœur via la relation qui se noue entre Davis et Karen (Naomi Watts), une employée du service client de Champion Vending Company. Mais Demolition va plus loin que le schéma de la comédie romantique en pensant une reconstruction personnelle à travers la quête identitaire incarnée tant par Davis que par Chris (Judah Lawis), le fils de Karen.
En un mot, pour reconstruire l’intériorité, il faut démolir la superficialité.
Cette dialectique démolition/reconstruction caresse ainsi une problématique platonicienne. De quelle manière peut-on imprimer son passage sur terre ? A la volonté paternelle de créer une bourse d’études répond le tournoiement du carrousel. A la froide sphère financière répond la nécessité d’aller fouiller là où ça dérange, au rythme déconfortant des réminiscences, jusqu’à ce qui était au cœur de la relation sociale. Le souvenir d’un tour de manège nocturne. Et c’est chez le personnage qui semble le plus indifférent que l’on parvient finalement à capturer une véritable parcelle de l’identité de la défunte Julia (Heather Lind) (L’une des seules auxquelles on ait du moins véritablement accès).
On appréciera la justesse de Naomi Watts, la sensibilité de Judah Lewis et le clownesque de Jake Gyllenhaal qui se défoule sur une bande son vitaminée. Le comique qui naît de la dissonance avec les normes sociales et qui répond au drame qui jaillit de la confrontation de Chris avec cette même société. Il ressort ainsi de ce film oxygéné un sentiment de déconfort qui en fait une oeuvre de jouissance barthésien qui vaut le détour.
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Créée
le 11 avr. 2016
Critique lue 262 fois
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