Departures c'est un film ou la mort, la vrai, dans son sens le plus cru, celle que l'on ne supporte pas, que Daigo ne supporte pas lui-même, celle qui ce veut macabre, que l'on redoute tous d'affronter, nous est présentée. Mais c'est avec un ton simple et parfois même décalé que Takita arrive à nous faire prendre du recul sur cette mort.
Cette mort, elle est en effet représentée sous deux aspects qui pourraient presque scinder le film en deux parties.
La première est une approche classique de la mort, celle qui nous répugne, qui répugne Daigo qui, traumatisé par sa première vision de la mort, va instantanément dans un bain publique pour laver l'odeur de mort qui le poursuit mais aussi pour laver son esprit de la vision qu'il a eu.
Puis il apprend à appréhender la mort, à lui rendre hommage, à la respecter. La mort n'est plus une fatalité mais une opportunité de rendre un dernier hommage au défunt. Et quoi de mieux pour lui rendre hommage que de sacraliser cet instant. Son travail sur les corps des morts, lent, précis presque chorégraphié ce révèle être un don, un art, une maîtrise. Maîtrise que l'on retrouve dans la pratique du violoncelle, rythmée, précise, rigoureuse. Ce violoncelle c'est alors le rêve de Daigo de devenir un grand musicien qui finalement s'en va, comme la pensée idéaliste qui voudrait que les êtres qui nous sont chers pourraient ne jamais mourir. Daigo vend alors son violoncelle, et c'est sa crédulité qui semble s'envoler avec. Le film évolue. Le rapport à la mort évolue. Pour Daigo comme pour le spectateur, la mort n'a alors plus rien de macabre, elle est une acceptation d'un après incompréhensible que l'on se doit de célébrer. Daigo est le gardien de cet après. Un après que la société n'accepte pas, que Daigo n'assume d'abord pas, que sa femme et son ami refuse. Mais qui, comme le film, évolue et s'assume pour finalement devenir une nécessité.
Daigo est alors le gardien de la mort qui, par son rapport du vivant au mort, permet aux familles d'accepter, et aux morts d'aller vers un ailleurs. Daigo lui-même dans ce rapport du vivant aux morts engendre le vivant avec l'arrivée d'un fils et la nouvelle responsabilité d'être père. Un père que lui-même n'a pas connu et c'est de ce gouffre affectif que Daigo pose tout au long du film un regard d'enfant qui n'a pas réussis à grandir, sur la vie. Ce regard évolue avec son patron qui fait office de père et qui va lui montrer la vie tel qu'il faut la voir. Daigo devient un homme à la fin du film en enterrent à son tour son père. Enfantin au départ, drôle et décalé par moment, ce film permet d'appréhender la mort avec de plus en plus de recul, reconstruisant progressivement les a priori du spectateur lui permettant, tout comme Daigo, de mûrir.
Pour autant, si Takita parvient à imposer un rythme original au départ nous montrant la mort avec le regard naïf d'un Daigo enfant, le film semble s'essouffler pour tomber dans les travers d'un drame tire-larmes dans la deuxième partie. Si la réalisation est maîtrisée, le jeu d'acteur de Daigo que l'on voit grandir semble ternis par celui de Mika qui n'évolue pas et reste souriante dans n'importe quelle situations même quand le film ce veut sérieux et ne permet pas au spectateur de totalement évoluer vers l'âge adulte auquel Daigo fait face.
Passé ces quelques clichés dramatiques et l'immersion final ternis par ce jeu d'acteur bancal, ce film nous apporte quand même en réflexion sur des sujets que l'on évoque trop peu. La mort de nos proches, notre relation avec eux pendant leur vivant et nos regrets à leur mort, la construction d'un homme en l'absence de père, mais aussi et surtout, le rapport à la mort que l'on prend finalement avec beaucoup de distance, davantage comme un hommage sacrée que comme un drame quelconque.