On pardonne beaucoup de choses au cinéma japonais. Moi le premier je me suis souvent incliné devant des oeuvres nippones imparfaites qui poussaient la sensiblerie très près du point de non-retour. Mais le truc avec ces films c'est que je n'ai pas honte de dire que je les aime (ou que je les adore carrément), parce qu'ils proposent une histoire fouillée et des personnages travaillés dont les liens affectifs parviennent à toucher au coeur.
Malheureusement Departures ne me fait pas cet effet. Il a trouvé son public, tant mieux pour lui. Il est d'ailleurs plein de qualités et de bons éléments, avec en premier lieu son sujet original, mais aussi son rythme paisible et maîtrisé et sa mise en scène pudique et douce comme une caresse.
Mais je n'arrive pas à avaler les ficelles grossières d'un scénario tire-larmes qu'on voit venir à dix kilomètres. Je n'arrive pas à avaler cet archétype de héros novice maladroit qu'on se tape depuis des dizaines d'années dans la production nippone, et dont les réactions sont parfois involontairement désopilantes (sa tête quand il apprend que son orchestre est dissous vaut bien une statue sur l'autel du gif). Je n'arrive pas non plus à avaler qu'un réalisateur puisse saborder tout le potentiel poétique et lyrique de son film en surlignant tout, en bardant son oeuvre d'une symbolique aussi subtile qu'un camion-benne, et en veillant à bien tenir la main du spectateur pour qu'il n'ait pas à réfléchir.
Et ce que j'accepte encore moins, c'est d'être manipulé de manière aussi évidente par tous ces artifices paresseux censés créer l'émotion. L'enfance malheureuse du héros, l'exploitation totalement inutile du violoncelle (ç'aurait été un didgeridoo qu'on aurait pas vu la différence d'un strict point de vue scénaristique), les gros plans sur les larmes des personnages, et j'en passe.
C'est d'autant plus regrettable qu'on tient là un vrai bon sujet potentiellement passionnant. Les scènes de préparation des corps, seules réussites du film - mais quelles réussites - convoquent à la fois beauté et dignité pour redonner ses lettres de noblesse à un art, un rite de passage pourtant perçu comme une tâche dégradante par la société japonaise (quid chez nous ?).
Non, sérieusement, Yojiro, les plans à la grue sur un mec qui gratte son violoncelle sous le versant de la montagne ou sur les oiseaux qui s'envolent devant le soleil couchant, garde ça pour le jour où tu dirigeras un clip des Corrs ou de Roch Voisine. En attendant, fais-moi plaisir et perpétue plutôt la subtilité et la grâce d'un Ozu.