Deranged par Cyann Kairos De Ligre
Il y a une véritable tromperie sur la marchandise au préambule de ce film: un journaliste apparait à l'écran pour nous exposer les faits et nous promettre une véritable plongée dans l'horreur en suggérant une foule d'image sensible, sanguinolente, le tout réservé à un public averti.
Fort heureusement, il n'en est rien. Le film, plutôt sobre, comparé à la multitude et dispensables films de genre "slasher porn" (type "Hostel") est surtout une étude de mœurs, une plongé psychologique éprouvante dans le comportement d'Ezra Cobb (personnage inspiré du serial killer Ed Gein qui donna naissance aux fameux "Psychose" et "massacre à la tronçonneuse").
Filmé quasiment comme un documentaire, le déroulement de l'histoire ce concentre sur le délabrement intellectuel progressif de notre "héro", sa façon d’appréhender le monde qui l'entoure, l'organisation de son quotidien misérable et de ses liens sociaux afin de ne pas se faire happer par le manque affectif du au décès de sa mère. Souffrant trop de son absence, pour ne pas perdre pied, il décide donc de la réinstaller à son domicile après l'avoir déterré du cimetière.
Profondément bouleversé par l'aspect pourrissant du corps, il commence l'étude de la taxidermie et la réalisation de "soin" pour contrer les ravages physiques du temps sur le cadavre. Volant les corps locaux des décédés récents, petit à petit, l’idée de tuer va se construire en lui pour se fournir en matériaux frais.
Monomaniaque, il en vient enfin à organiser toute une suite de cérémonial centré sur sa personne. Ainsi, peu à peu, la constitution d'une cours d'amies pour lui tenir compagnie s'imposera naturellement, sa mère étant vivante dans son esprit, elle ne serait rester seule, il est donc important pour lui d'organiser des distractions et de trouver du monde (jugé fréquentable) pour l'entourer, jouer, discuter...
Âme solitaire, profondément tourmenté par son éducation religieuse rigoureuse, dévasté par la perte du seul être féminin qu'il chérissait, simple d'esprit, sadique et meurtrier, Ezra Cobb est l'incarnation du monstre aussi victime que ses proies.
L'acteur qui joue Ezra Cobb, Roberts Blossom, est tout simplement bluffant de réalisme: son visage tourmenté, tour à tour joyeux (presque espiègle lorsqu'il déclare "ses blagues") crispé, sadique et effrayant devrait être un modèle de référence pour bien des acteurs qui cabotinent dans la plupart des productions d'horreurs récentes.
Tout son tourment intérieur éclate viscéralement dans ses expressions... rien de plus inquiétant que de le voir plisser sa bouche et apercevoir dans le même temps une lueur intense briller dans ses yeux avant qu'il entreprenne une funeste action.
L'image est plutôt sale, peu de diversité dans les couleurs, le quotidien est froid. l'esthétique est un parallèle au monde tel que le voit Ezra Cobb. La boue qui ensevelie et qui salie, l'humidité qui ronge, le froid qui glace, la lumière qui se veut faible, des éléments du décors qui soulignent sa folie et sa perte.
La musique, assez rare, est totalement dispensable. C’est d’ailleurs un soulagement, la pauvreté de la composition est assez pénible: entre quelques passages d'orgue minimaliste au début et une suite de coups de violon strident sensés nous mettre dans l'ambiance, mes oreilles ont criée pitié.
Peu de meurtres, pas de gore, une minutie des détails totalement au service d'une ambiance troublante, des décors inquiétant, sans volonté parasitique moralisatrice, ce film est une très bonne plongée dans la démence d'un serial killer.