Ce film a causé des flashbacks. Des flashbacks durs à regarder en face. Je me suis retrouvée plongée à nouveau dans cet âge difficile où tout semblait possible et où rien n'allait en même temps.
Elsie Fisher est époustouflante de naturel et de courage dans ce film. Car du courage, il en faut à cet âge pour se montrer à ce point vulnérable, ne pas craindre que des gens voient votre acné en gros plan, à quel point vous êtes mal à l'aise dans votre corps, à quel point vous êtes paumée et angoissée et prête à beaucoup pour être acceptée et aimée. Elle fait passer tellement de choses rien que dans sa démarche, la tête baissée, les épaules en avant, et même de dos, on voit tous ses tracas ou sa détermination qui jaillissent de l'écran.
"Eighth Grade" est un film dur à sa façon. Il aborde des sujets que nombre d'ados traversent et parvient à le rendre organique, palpable, pour vraiment partager le mal-être de Kayla. Plusieurs fois j'ai voulu la prendre à part, lui dire que tel garçon n'en vaut pas la peine, que ce qu'elle ressent finira par passer. J'ai aussi eu envie de la protéger et de la sortir de situations où j'ai réellement craint pour sa sécurité. J'ai eu envie de l'encourager, de lui dire, comme son père le fait dans le film, qu'elle a l'air vraiment d'une fille géniale, que sa vie aura des hauts et des bas mais qu'elle est assez forte pour s'en sortir.
Pourtant, au final, c'est elle qui m'a encouragée et rassurée. Parce qu'elle s'est donnée du mal, parce qu'elle a fait de son mieux, qu'elle s'est montrée comme elle était, et qu'elle a appris de ses expériences et qu'elle regarde maintenant le monde et l'avenir en face, à son échelle et à son rythme.
La photo et la réalisation respirent le film indépendant, on ne s'y trompe pas, mais dans tout ce qu'il a de meilleur. La caméra est braquée sur le visage de Elsie Fisher la plupart du temps, et elle nous transmet vraiment ses émotions à travers son regard, sa façon de détourner les yeux, sa façon de parler aussi. Si le film fonctionne, c'est grâce à cette jeune actrice exceptionnelle.
Sa relation avec son père marque aussi, elle est même nécessaire pour apporter une balance à l'histoire, pour lui dire finalement ce qu'elle a besoin d'entendre et être rassurée, pour faire entendre notre voix d'adulte à la jeune fille derrière l'écran, et lui dire que tout ira bien. Qu'on est fière d'elle, tout simplement.
"Eighth Grade" m'a profondément émue et impliquée sans jouer de la moindre ficelle émotionnelle classique et convenue. Le film montre une tendresse exceptionnelle pour son actrice principale et lui fait vraiment confiance pour créer l'ambiance et impliquer les spectateurs et spectatrices.
Un film avec un message tout simple mais d'une telle franchise et honnêteté envers lui-même et d'un tel regard lucide et mature qu'il me restera longtemps en mémoire.