Exemple type et redondant d’une variation sur un cahier des charges, Dernière nuit à Milan s’empare des codes du polar avec une sincérité et une euphorie assez communicative. On peut d’emblée oublier toute tentative d’originalité, dans cette ultime nuit avant la retraite d’un flic honnête et n’ayant jamais eu à se servir de son arme, à qui on propose une petite mission annexe qui va bien entendu foirer dans les grandes largeurs.
Andrea Di Stefano a clairement révisé ses classiques, et sort le grand jeu en termes d’exposition urbaine à la faveur d’une très belle ouverture aérienne sur Milan, quittant les feux du centre-ville pour aller s’aventurer du côté des marges bien moins flamboyantes. La BO des sixties convoque un moment cette jubilation de la facilité illusoire du monde des gangsters si bien montrée par Scorsese dans les Affranchis, tandis que l’ambiance du thriller ira davantage chercher, dans la deuxième partie, le rythme suffocant et le double jeu des flics ou truands des Infiltrés, son remake d’Infernal Affairs.
Les grandes séquences de tension fonctionnent avec brio, notamment celle du cœur du récit, où le convoi de personnalités accompagnées d’une mallette sécurisée va se diriger, dans un piège qui fait de la distance et de l’épuisement une stratégie redoutable pour les nerfs du spectateur. De la même façon, toute la deuxième partie du film exploite avec une grande intelligence un lieu décisif, où les différents niveaux d’un entrelacs d’autoroutes, de ponts et de passerelles vont offrir autant de ressorts dramaturgiques pour faire évoluer un récit aux multiples rebondissements.
On pourra regretter quelques faiblesses dans le scénario, notamment sur les motivations du protagoniste et la clarté de son raisonnement pour se tirer d’affaire, ainsi que de la confiance un peu aveugle qu’on lui accorde sur la fin. C’est d’autant plus regrettable que le rôle, toujours aussi magnétiquement tenu par Pierfrancesco Favino, propose une intéressante progression, notamment dans son rapport à son épouse, dont la vénalité naïve aurait pu conduire à des développements plus ambivalents. Reste qu’on ne boude pas son plaisir à constater qu’avec un peu d’incarnation et de savoir-faire, un récit aussi balisé peut générer une balade plutôt agréable.