Hey Big Star - Kishi Bashi


S'il faut parler de Dernières nouvelles du cosmos, il faut parler de sa réalisatrice et arriver ici à un point difficile à aborder. Les documentaires de Julie Bertuccelli sont-ils projetables au cinéma en tant que film ? Les attentes d'un public de salle obscure en terme de mise en scène, les conditions même de l'écran immense ne sont-elles pas dérangeante pour un documentaire qui semble tant privilégier le fond à la forme ?
Il n'est pas ici question de questionner la pertinence des documentaires au cinéma puisque certains se posent en œuvre cinématographique mais bien celui-ci en particulier et on ne peut s'empêcher de penser que - pour une fois - le grand écran dessert le propos et ce documentaire est une œuvre qui à mon sens s'apprécie plus dans l'intime du foyer, qui autorise parfois le décrochage momentané de l'attention. Ce genre de documentaire émeut et interroge grâce à la puissance de son sujet, à l'être humain proprement unique, héroïque dans ses évolutions, entouré de personnes aussi passionnées, dévouées que fascinantes.


Pour faire rapidement le parallèle avec la cour de Babel, on retrouve la même volonté de la réalisatrice de laisser la caméra scruter, sans trop interagir, comme un œil curieux, intrusif au départ mais dont on s'accommode pour finir par ne plus le voir et laisser percer le naturel. Tout à ses sujets, Bertuccelli les suit souvent de près, la caméra s'attachant à eux en plan rapproché sans vouloir les laisser sortir du cadre - malgré quelques instants de fuite, de hors-champ - au détriment d'une composition plus soignée des plans. C'est un choix, on verse ici dans un réalisme presque épuré de tous les apprêts du cinéma, filmé intimement, sans fioritures. Là ou dans La cour de Babel les longueurs qu'impliquent ce choix étaient trompées par la multiplicité des personnages et l'animation régnant dans la salle de classe, Dernières nouvelles du cosmos ne se concentre quasiment que sur Hélène. De temps en temps la mère reste seule dans le champ, explique, éclaire le spectateur. Mais mes reproches vont ici à ces temps longs, parfois trop longs qui ne laisse qu'Hélène en gros plan. C'est un choix qui se fait selon moi au détriment du rythme voir parfois de la compréhension de certains aspect de la situation d'Hélène, de sa ... "maladie", faute d'un meilleur terme - je le trouve trop peu approprié.
Il en résulte aussi pour le spectateur un sentiment de confusion quant aux divers intervenants qui ponctuent le documentaire, qu'on peine parfois à nommer. Trop peu de temps donné à cette passionnante intervention d'un mathématicien et la discussion qui en résulte avec Hélène.


Hormis ces maigres reproches l'ensemble du documentaire ne suscite qu'intérêt et passion, émotions et interrogations multiples. L'histoire est celle d'Hélène, autiste renfermée sur elle-même, incapable de communiquer oralement et qui pourtant est l'auteure de superbes recueil de poésie et manie les mots avec un brio', semblant en jouer et s'en amuser alors même qu'elle n'a jamais lu, jamais ouvert un seul livre.
Si parler lui est encore impossible, c'est son but comme celui de sa mère, ce vers quoi elles tendent. Entre temps on ne peut qu'être étonné et intéressé. Lorsqu'au commencement Pierre Meunier - voix magnifique, bonhomme sympathique, moins fan de sa mise en scène mais là c'est moi - s'échine à lire les textes d'une Babouillec qui semble vouloir l'en empêcher sur scène, je n'ai pas cru un seul instant que les textes venaient de la jeune autiste.
À 30 ans Hélène semble à bien des égards piégée dans l'adolescence dont elle reproduit certains comportement. On la suivra dans l'exploration de ses rapports aux autres qui se font via une petite boite remplie de lettres qu'elle dispose sur une feuille blanche et dont la mère nous fait la traduction lorsqu'elle utilise des abréviations.
Au-delà du rapport à la parole on interroge le rapport au corps, rapport par le toucher - exploration du rire par le corps, exploration de la communication écrite par la préhension, exploration de soi - ou même le rapport à la conscience du corps puisque Véronique Truffert (sa mère) explique qu'elle n'a eu conscience de ses mains puis de ses pieds que tard.
Enfin, le traitement le plus évident est la question de l'influence du corps sur nos "cornichons de cerveaux". Dans quel mesure celui-ci nous définit-il ? Comment pouvons nous concilier ce que nous sommes, ce que nous voudrions-être et la façon dont nous nous voyons ?


Offrant de nombreuses pistes pour l'entourage des gens atteint de troubles du spectre de l'autisme, Dernières nouvelles du cosmos montre l'impressionnant travail de cette maman qui d'un "corps mort" parviendra à faire naître ou tout du moins à faire émerger à la surface sa fille qu'elle voulait tant rencontrer.


Et pour finir, la chance d'avoir ces deux protagonistes et la réalisatrice en interview. Malheureusement je crevais de faim, ça m'a déconcentré... Comme quoi, le corps souvent triomphe de l'esprit

Petitbarbu
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le 11 nov. 2016

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