God bless America
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Ed, un instituteur et mari modèle, au prise avec une grave maladie, se voit sauvé par un nouveau médicament : la cortisone. Il en réchappe mais devra en prendre toute sa vie. Mais il y a des effets secondaires, et Ed va être tenté d’abuser du remède miracle. Son caractère change : il devient tyrannique avec sa femme et son fils… jusqu’à frôler le drame.
A travers cette histoire, Nicholas Ray entendait se livrer à une critique en règle de la société américaine : le traitement indigne des instituteurs, qui sont obligés de travailler dans une société de taxi pour arrondir leurs fins de mois ; le règne des médicaments et la dangerosité de leurs effets secondaires ; la société de consommation, qui pousse à avoir aussi bien que le voisin (cf. l’épisode de la robe, où Ed veut que sa femme soit aussi jolie que sa collègue) ; le système scolaire, où il faut dire aux parents ce qu’ils ont envie d’entendre ; l’esprit de compétition, véhiculé par le sport, qui broie la sensibilité des enfants ; l’emprise de la religion sur les mentalités, au point de pousser au meurtre ; la condition de la femme bien sûr, celle-ci étant assignée aux rôles secondaires ; et même la méthode syllabique, qui est épinglée au passage. N’en jetez plus, la coupe est pleine !
Un pitch très séduisant, pour un film qui ne convainc guère malheureusement. Tout y est très académique et appuyé, à l’image du jeu de la pourtant très belle Barbara Rush : ses mimiques sont souvent à la limite du ridicule. C’est aussi son personnage : cette femme aimante, dévouée, soumise, qui accepte tout de son mari… Il est vrai qu’elle le pense malade donc irresponsable de son état… mais quand même ! La dernière scène, à l’hôpital, est vraiment navrante. James Mason tire son épingle du jeu, même si on est loin de ses grands rôles, chez Kubrick, Mankiewicz ou Hitchcock.
Sans doute un problème de crédibilité aussi, quelques cachets suffisant à transformer de fond en comble notre gentil héros : une telle métamorphose conviendrait à une comédie loufoque, beaucoup moins à cette fable moraliste tirant à la fin vers le mélo.
Quelques belles scènes malgré tout : le moment où Ed éteint les lumières une à une alors que sa femme débarrasse à l’issue de leur réception ; la scène où Ed fait travailler son fils, avec le jeu sur son ombre immense au dessus du garçon (et la petite ombre, en réponse, de sa femme qui est derrière la porte) ; la scène où Ed monte sacrifier son fils, avec la télé qui braille, son hallucination, la bagarre qui s’ensuit.
Pas de quoi faire l’un des plus beaux films américains d’après guerre (Godard) ! Nullement ennuyeux, mais oubliable.
Créée
le 9 avr. 2020
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