oct 2009:

En regardant ce film, les apparitions caméos des petits gars du Splendid, en découvrant un film simple, à l'humanité joviale, frais et guilleret, pas con, politique, enthousiaste, j'étais persuadé qu'il s'agissait d'un de tous premiers films de Tavernier. Or, il n'en est absolument rien : sorti après Le juge et l'assassin, en 1977. Tavernier à cette époque est d'ores et déjà un auteur confirmé et salué par ses pairs, la critique et le public. J'étais très étonné mais je ne savais rien du film, vierge de tout a priori.

Et je découvre alors une comédie romantique qui aborde des problématiques très réalistes. Le plaisirs féminin, l'émancipation des femmes sont évoqués soit de manière frontale avec le personnage de Christine Pascal qui se raconte face caméra ou lors de conversations avec Piccoli, soit au hasard d'une rencontre dans un coin d'escalier quand une brave ménagère ne sait que dire ni que faire sans la présence de son époux quand une association de locataires vient la solliciter. Justement, dans une société en pleine mutation, où les immeubles modernes poussent comme champignons et viennent progressivement grignoter le vieux Paris en déshumanisant un peu plus la monstruosité urbaine, des locataires d'un quartier se retrouvent solidaires pour lutter contre les exactions financières d'un propriétaire gourmand et véreux au cynisme qui fait malheureusement écho à bien des politiques économiques et sociales actuelles. Le personnage joué par Toscan du Plantier, en politicien verbeux autant que fantôme vient montrer déjà à l'époque que le droit et la colère ne se font plus entendre que dans les associations et plus vraiment chez les élus. Peut-être un peu raccourci m'enfin... il arrive que cela soit une vérité. Caricature ou vérité? Avec le personnage de Michel Aumont, c'est à la misère sexuelle masculine que le film donne une voix.

Ainsi sur une rencontre amoureuse entre Piccoli et Pascal, Tavernier présente des histoires, par petites touches, qui racontent un temps, des préoccupations, des joies, des peurs, le chômage, le sexe, le pouvoir, la famille, les amis et de tout ce frichti semblent se dégager de déliceux parfums et saveurs d'humanité. Tout doucement, Tavernier filme simplement avec tout de même une attention toujours soutenue à ancrer ses personnages dans des lieux, en cherchant à varier les modes de narration. La caméra est active ou fixe, voyage, travellingue, s'arrête, patiente et reprend sa marche. Impression d'écoute, de délicatesse attentive. Il est vrai que les personnages adoptent généralement -à part quelques poussées hurlantes de Piccoli- un comportement plutôt calme, malgré toutes les emmerdes qui tombent sur les uns et les autres, malgré les petites déchirements, les aléas affectifs, les errements de la vie. Ils font souvent preuve de respect et communiquent beaucoup.

Cela donne au récit une forme très arrondie, chaleureuse, intelligente et surtout fluide. Le film est toujours agréable, par moments mélancolique, d'autres fois drôle, mais les émotions restent toujours exprimées avec une douceur, une mesure qui fait du film un plaisant spectacle à voir. Ce fleuve n'avait de rien de tranquille sur le papier (histoire d'amour compliquée, expulsions de locataires, chômage, etc.) et finalement Tavernier fait planer au dessus de l'onde une brise de légèreté et de fraîcheur.

Un film intelligent de simplicité. Je pourrais dire la même chose de Bertrand Tavernier.
Alligator
8
Écrit par

Créée

le 23 mars 2013

Critique lue 753 fois

9 j'aime

1 commentaire

Alligator

Écrit par

Critique lue 753 fois

9
1

D'autres avis sur Des enfants gâtés

Des enfants gâtés
guyness
6

Tavernier ! De la petite bière !

Au fond, il y a deux sortes de films de Tavernier. Les grands films, indiscutables, absolus, magnifiques (que la fête commence, la vie et rien d'autre, le juge et l'assassin, capitaine Conan, Coup de...

le 16 août 2011

18 j'aime

8

Des enfants gâtés
Alligator
8

Critique de Des enfants gâtés par Alligator

oct 2009: En regardant ce film, les apparitions caméos des petits gars du Splendid, en découvrant un film simple, à l'humanité joviale, frais et guilleret, pas con, politique, enthousiaste, j'étais...

le 23 mars 2013

9 j'aime

1

Des enfants gâtés
oso
7

Hé Bernard, tu descends ?

Bancal mais touchant, Des enfants gâtés est en premier lieu un portrait de femme à la belle subtilité dont la force est paradoxalement tirée de la faiblesse relative du film. A savoir le parallèle...

Par

le 5 mars 2017

7 j'aime

Du même critique

Cuisine et Dépendances
Alligator
9

Critique de Cuisine et Dépendances par Alligator

Pendant très longtemps, j'ai débordé d'enthousiasme pour ce film. J'ai toujours beaucoup d'estime pour lui. Mais je crois savoir ce qui m'a tellement plu jadis et qui, aujourd'hui, paraît un peu plus...

le 22 juin 2015

55 j'aime

3

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16