Des gens comme les autres concourt dans la catégorie du drame familial le plus pur, sans à-côtés, et dans ce registre il me semble qu'il atteint une hauteur assez élevée. Quelque chose me retient d'adhérer plus pleinement, sans doute lié au genre qui contient dans les termes de sa définition des limites nettes trouvant peu d'échos dans ma sensibilité (mais les contre-exemples existent, à commencer par le magnifique À bout de course de Sidney Lumet), et peut-être aussi à la mise en scène empreinte de l'esthétique 80s, déjà, en 1980. Et au genre devenu parfaitement classique, aussi, celui du drame intimiste révélant l'hypocrisie des familles aisées sous le vernis des convenances.
Mais ces remarques préliminaires mises de côté, ce premier film de Robert Redford reste remarquablement maîtrisé. Pas de coup d'esbroufe pour tenter de briller vainement, pas de faute de goût manifeste, et une dimension psychologique d'une certaine tenue évitant les principaux écueils (et ils sont nombreux) du genre. L'acteur néo-réalisateur (absent du casting) fait preuve d'une maturité et d'une acuité remarquables pour décrire sans décharger un torrent de pathos les blessures plus ou moins secrètes d'une famille bourgeoise "comme les autres", c'est-à-dire sans problème apparent vue de l'extérieur mais pétrie de tensions intérieures.
Tout en détours, Redford dresse le portrait de ces gens qui maîtrisent leur image, contrôlent leurs émotions, tempèrent leurs jugements, en faisant passer l'apparence avant toute autre chose. Mais derrière les façades impeccables, les fondations tremblent. La culpabilité, la sécheresse émotionnelle, la distance insupportable aux proches : autant d'éléments qui accablent l'adolescent et qui sont rendus avec une finesse de trait très appréciable. Seule la figure du psy est un peu caricaturale, à rendre Judd Hirsch presque antipathique : un exploit en soi. Il y a un petit côté "plaidoyer pour la psychothérapie familiale" comme solution absolue, sans doute représentatif de l'état d'esprit de l'époque.
Le personnage de la mère finit par délivrer une froideur tétanisante, à travers son ressentiment incertain, un peu flou, pas totalement explicite, à l'image de cet ultime contact physique entre elle et son fils. Il s'approche d'elle pour la serrer dans ses bras, et elle restera comme pétrifiée par ce geste affectif. La pudeur de Redford pour décrire ces trois solitudes (le père, la mère, le fils devenu unique) désemparées, incapables de communiquer, est sans hésitation le meilleur argument du film.
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