Comme des lions en cage
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À m'asseoir sur un banc vingt-deux heures avec toi...
Les vrais roudoudous leur ont niqué les dents. Après trois années de délai d'attente avant de se voir accepter leur demande, Alice Odiot et Jean-Robert Viallet ont pu filmer, 25 jours en immersion dans l'une des prisons les plus connues de France : Les Baumettes. 30 000 mètres carrés et 2 000 détenus dont la moitié n’a pas 30 ans. Pas d’analyse, pas de commentaire, une musique en guise de voix off.
Là où le mistral s’écharpe contre les barbelés, là où les murs s’effritent, la peinture séchée par l’usure, les corps se cabrent, à trois dans un 9m². L’ennui, la violence, les marques et la voix. Les prisonniers ressassent leurs souvenirs d'enfant, disent qu’ils n’en peuvent plus, que la prison "fatigue". Dans cet espace de privation des libertés, seule la souffrance résiste. La réinsertion est un échec, la boucle est infinie, circulaire et redondante comme les journées de ces prisonniers. Comme ce plan à la fois initial et à la fois terminal. Cadrés par ces murs anxiogènes, acteurs le temps de quelques minutes, ces hommes se saisissent de la caméra pour narrer leurs histoires. Ils se mettent en scène, se jouent de l’objectif, maîtrisent leurs mots. Qu’on ne s’y trompe pas, l’art de la tromperie coule dans leurs veines, de la drôlerie aussi comme ces scènes de repentis dignes de conseils disciplinaires de collège. Le discours est connu, les phrases toutes faites se répètent. Tous sont prêts à se fourvoyer, à se travestir, montrer qu'ils ont retenu la leçon avant que le piège ne se resserre à nouveau une fois dehors. À l’intérieur, c’est trop dur. "Files moi une clope!" Il va péter un câble. "Files moi un feu !" Le lion est en cage et nous regardons difficilement ce zoo d’un autre temps derrière une vitre sale. Pourtant, ces animaux derrière les barreaux, enfermés par l’Etat et la justice française sont des hommes. À rebours, c’est l’institution qui est finalement déshumanisée, à force de rendez-vous en bout de table, de toilettes collés aux lits, de négations d’intimité, de moyens qui manquent, de jugements rendus par courriers ou encore par vidéos conférences. Le son est mâché. L’institution est inaudible. Des hommes souffrent. La boucle est bouclée.
Le temps est assassin
Et emporte avec lui les rires des enfants...
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Créée
le 22 févr. 2020
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