Après un road-movie apocalyptique et, disons-le, pas franchement rigolo, voici John Hillcoat de retour avec une nouvelle audace cinématographique, le bien nommé Lawless. Audace ? Oui, car en 2012 il faut oser proposer un film (faussement) indépendant avec en toile de fond la prohibition, sujet qui marche à la télévision quand c'est produit par Scorsese mais qui est plutôt risqué quand on passe en salles.

Dès le début, Hillcoat aligne tous les poncifs du genre : belles bagnoles, alcools prohibés, femme fatale, gangsters à la moustache fine, mitraillettes Tommy Gun, cadavres sur le trottoir et ambiance jazz chez les afro-américains. Tout y est, si ce n'est qu'on quitte Chicago pour la campagne, celle qui rappelle le Délivrance de Boorman, en moins consanguin. Car c'est là toute la puissance du film de Hillcoat : sous couvert d'enchaîner les archétypes d'un genre, auquel il mixe par ailleurs des éléments de western, Hillcoat poursuit après The Road son autopsie de l'Amérique à travers son propre cinéma et ses propres codes. Dans le fond, le film de gangsters et le western sont deux genres proprement américains, et qui ont construit la légende des USA dans l'esprit du monde. Lawless tourne autour de cette question de légende justement, de ce narrateur qui commence "en ce temps-là..." au caractère "immortel" d'un des frères qui, à force, croit en son propre mythe. Hillcoat ne fait pas dans l’esbroufe, il se contente de regarder au travers d'une caméra la mythologie sombre et violente d'un pays et de la rappeler au bon souvenir des spectateurs d'aujourd'hui. Est-ce un hasard si, avec sa démarche éléphantesque et sa gêne envers les femmes, (l'excellent) Tom Hardy rappelle John Wayne ?

Si on ajoute à cela un casting des plus justes (mention à Shia Labeouf, qui confirme sa transition réussie vers un certain cinéma d'auteur) et un humour (un peu noir mais tellement bon) régulier, Lawless s'apparente alors comme une vraie réussite en ce qu'il convoque à la fois un divertissement honorable et, comme cité plus haut, une vraie réflexion sur le cinéma américain. Là où les Inrocks voient du consensuel (pour ne pas dire de la prostitution), je vois de la subversion. Nul besoin de faire de l'épate pour être convaincant : Hillcoat est un cinéaste à ne pas sous-estimer qui ne demande, visiblement, qu'à s'exprimer dans son propre langage. Vivement le prochain trait d'anarchisme académique.
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le 28 oct. 2012

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