Robinsonnade corééenne, Castaway on the moon se présente avant tout comme une fable un peu grotesque, tendre et satirique.


Un homme ruiné et acculé par le malheur tente de se suicider en sautant d’un pont, et se retrouve sur une île au milieu du fleuve, sans possibilité de regagner la civilisation qui est pourtant à portée de regard. Sur cette très belle idée d’un isolement intégré à la ville, Hae-jun Lee met en place une métaphore assez efficace sur la mutation des rapports sociaux dans les mégalopoles et l’indifférence anonyme qui les caractérise désormais.


C’est d’autant plus prégnant que le récit va se dédoubler avec la trajectoire d’une jeune fille, star du web mais totalement recluse dans sa vie sociale, pour une nouvelle déclinaison de l’île déserte sur le terrain cybernétique cette fois.


La mise en scène, assez clinquante et clipesque, abuse un peu de ses effets (travellings circulaires, montage cut, etc. ) et comme souvent avec les films coréens le sentimentalisme exacerbé suppose une certaine ouverture d’esprit du spectateur occidental. Hae-jun Lee a tout de même de belles idées à proposer, en termes de construction narrative d’abord, puisque le récit est de temps à autre raconté une nouvelle fois selon un autre point de vue. Ce n’est certes pas révolutionnaire (Kurosawa dans Rashomon s’y était attelé avec brio, et Park Chan-wook use souvent du procédé), mais assez efficace, notamment dans la mise en réseau proposée pour deux solitudes que le hasard fait converger. L’idée de faire franchir la barrière de l’image (la jeune fille se contente d’observer de prime abord via son téléobjectif), notamment dans la séquence où elle pousse du doigt l’image du personnage pour l’aider est séduisante, et dynamise un ensemble un peu long et parfois redondant.


Castaway on the moon s’oubliera probablement assez vite, parce que sa romance s’en tient à une joliesse un peu superficielle, et que ses postures visuelles semblent être une fin en soi. Le film reste agréable comme une sucrerie estivale, cette période où l’on attend des émotions qu’elles soient sans conséquences.


(6.5/10)

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le 14 août 2017

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Sergent_Pepper

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