La possibilité d'une île
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Que te dire de Castaway on the Moon... Que son titre français qui me semblait bien étrange est en fait parfaitement adapté.
Qu'aimer un film tient à peu de chose, finalement. Un sentiment, un sourire, une impression diffuse. Cela nécessite aussi des dispositions favorables, comme celles qui me pousse vers le cinéma coréen et qui me font regarder avec bienveillance les œuvres de ce pays.
Des acteurs, aussi, sûrement. De ce côté, l'excellent Jung Jae-Young ( Welcome to Dongmakgol, Confession of Murder ) et sa trogne inimitable se chargea de m'intriguer puis de m'enchanter tandis que je découvris avec tendresse une Jung Ryeo-Won grimée en hikikomori, tout en intériorisation. Le choix de ces acteurs est tout à l'honneur de Lee Hae-Jun, qui joue sur leurs particularités physiques pour les mettre encore un peu plus à part.
Oui, Castaway on the Moon est une ode aux laissés-pour-compte, aux gens qui vivent le bien-être de la civilisation de loin, plongé dans les névroses, les crédits. Les gens qui étouffent.
Ce film c'est ça et autre chose à la fois, comme souvent avec les films coréens. Satire sociale, vilipendant l'hyper-consommation dont l'on voit les marques symbolisées par les milliers de déchets qui viennent se déposer sur l'île de Bam qui s'érode lentement au milieu du fleuve Han, écrasée par la capitale Sud Coréenne.
Et nous saute aux yeux ce qui ne va pas. On le devine dans le personnage interprété par Jung Jae-Young, salary-man pathétique largué par sa copine, viré, moins que rien. Un personnage qui se noie, qui ne peux pas nager, au propre et au figuré..
La satire elle se lit à travers cette jeune fille qui s'invente des vies multiples en ligne, qui n'ouvre ses fenêtres que la nuit pour photographier la lune déserte, qui vit seule au milieu des dix millions d'habitants de Séoul.
Mais au travers de cette histoire insolite, cette absurdité qui conduit notre salary-man à vivre en autarcie en pleine civilisation, à survivre sur une île déserte au milieu d'une métropole, à planter, s'abriter, se retrouver et renouer avec un certain bonheur se construit une jolie amourette de doux-dingues entre ces deux débris qui se rafistolent et reprennent contact avec l'humain au travers de messages en bouteille, dessinés sur le sable et vu à travers un objectif. L'objectif de la jeune fille braqué sur l'île, sur cet individu qui la fascine.
Et au premier plan vient, après la critique, après la survie, le contact, la chaleur, le sourire. Notre sourire, ce rictus délirant qui illumine le visage de Jung Jae-Young ou bien le timide et si touchant sourire d'une Jung Ryeo-Won tellement attendrissante qu'elle a fait fondre mon petit cœur de miel. Et l'amour de la vie nous reprend, nous étreint, nous perce de part en part sans qu'on s'en rende compte. Nous aussi, on veut sortir, serrer, aimer, vivre, planter du maïs et causer avec des épouvantails. On veut prendre le temps de vivre et de voir, de se parler simplement. On sourit lorsque se dessine timidement la joie sur la trogne crasseuse de cette Robinson des temps modernes, enfermée dans sa chambre.
Toute l'intelligence de Lee Hae-Jun est dans cette tendresse pour ses personnages et cette habileté à nous surprendre malgré ce scénario si bancal, si étrange. Nul besoin de dire qu'à l'image on se régale, je me permets d'insister sur l'importance de la mise en scène ici, de ces cadrages qui souvent mettent le regard, le visage au plus près de l'objectif. Tout passe par l'image, peu de dialogue pour l'histoire de deux solitaires, deux marginaux, deux isolés. Monologue et visuel, comme pour nous rendre le plus intime de ces deux énergumènes et nous le déverser tout droit dans la figure. Toute cette absurdité, toute cette tendresse, tous ces sourires.
Et moi j'aime ça.
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le 25 juil. 2015
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