Le désert, des migrants mexicains, un texan psychopathe bien décidé à régler le problème de la porosité des frontières à sa manière : le scénario de Desierto tient sur l’épine d’un cactus.
Difficile, en effet, d’envisager une intrigue plus linéaire : point de twists, de complexité ou de réflexion ici-bas : le film est un survival basique, dans lequel on reconnait la patte de Jonás Cuarón, fils de son père pour lequel il avait déjà écrit Gravity.


Peu de clichés seront évités, au point que ceux-ci semblent totalement assumés : du tueur bien américain (Jeffrey Dean Morgan, rescapé de son rôle bien plus complexe dans Watchmen) aux victimes à la coloration familiale (la jeune fille, le vieux, le gros, le jeune père…) en passant par les cactus, le chien, les serpents et la canicule, tous les ingrédients inhérents au genre sont ventilés comme il se doit.


On pourrait donc facilement se désintéresser de ce manque flagrant d’originalité, à moins de se tourner vers les moyens déployés pour tenter de donner une réelle saveur à l’ensemble, à savoir la mise en scène.


La maigreur volontaire du film qui dure moins d’une heure vingt et se dispense presque de dialogues, invite fortement le spectateur à se concentrer sur ce qui reste : l’image. Et, de ce point de vue, force est de constater que les partis pris sont plutôt efficaces.
La musique, assez minimaliste, accompagne cette traque qui met aux prises des individus le plus souvent réduits à leur animalité : c’est la raison pour laquelle le chien tient un rôle aussi important, véritable allégorie de ces instincts primaires du prédateur face à ses proies.


Mais c’est surtout dans son exploitation de l’espace et du décor que le film trouve de l’intérêt. Comme son titre l’indique, il s’agit de placer des pions au sein d’un lieu de transition, ce désert, no man’s land entre le pays fuit et la terre promise.
De ce point de vue, Desierto est un film sur le plan d’ensemble : à travers les promontoires, les belvédères et l’exploitation minutieuse des reliefs naturels, le cinéaste ménage des filatures souvent tendues : non seulement, les personnages semblent dominés par ce décor à la fois sublime et hostile (qui rappelle les plans contemplatifs et eu peu anxiogènes de Zabriskie Point ou Gerry), mais le spectateur, en position privilégiée, les situe souvent au sein d’un même plan alors que ceux-ci ne peuvent pas se voir, voire s’atteindre. Ce jeu sur les proportions, la lenteur accordée à ces périples, le décapage progressif pour aboutir à un corps à corps donnent donc une réelle saveur à l’œuvre.


Et le fait de voir les grands espaces résoudre l’intrigue (le premier, comme condamnation de l’un, le second comme horizon en promesse à l’autre) confirme l’ambition du cinéaste qui sait, sur un terrain formaté au possible, ménager quelques pistes esthétiques tout à fait louables.

Sergent_Pepper
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le 6 nov. 2016

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