DESIERTO est un film sincère. Il voudrait faire passer un message sur la situation du monde, sur la réalité de l'immigration. Mais déjà, ce message ne passe pas frontalement. S'il s'agit effectivement d'une histoire de mexicains cherchant à passer sur le sol américain, le cœur du film est bien la traque d'hommes par UN autre (avec son chien). Il y a effectivement un message, mais le film est tellement construit autour de la tension qui l'habite, que personnages, histoire, message, et beaucoup d'autres choses s'effacent complètement derrière. Puis, à l'instar d'un certain Gravity, également scénarisé par Jonás Cuarón, il y a cette épuration du récit qui tente de trouver une consistance à travers quelques motifs audio-visuels forts, mais également très grossiers. Sans toutefois une mise en scène puissante comme celle de papa (Alfonso Cuarón), DESIERTO ne reste qu'un efficace film de poursuite. Rien de plus (ou presque)


Précisément, ce film de poursuite manque dans un premier temps, beaucoup trop d'empathie pour véritablement fonctionner - en dehors de sa violence qui elle, peut au moins choquer. Jonás Cuarón installe ses personnages en une phrase-une action pas plus, y compris pour le héros joué par Gael Garcia Bernal dont on ne saura rien de plus sinon qu'il a un fils et qu'il est vaguement mécano. L'altruisme est finalement son seul trait de caractère évident... Mais savoir qu'un personnage en aidera un autre en cas de danger n'est que fonctionnel, pas émotionnel. Rien dans cette introduction, ne nous attache à personne. Avec cette logique, le bad guy est finalement celui qui nous apparaît le plus sympathique; nous le voyons nouer une relation (avec son chien), il est servi par quelques lignes de dialogues et un échange (avec un flic) ou l'humour et le cynisme ont la part belle. C'est problématique, car cela suffit à modifier le centre du récit, et à déstabiliser. Il est dérangeant lors de la première fusillade, d'avoir plus d'attirance pour le chasseur que pour ses proies. Si cela peut en loin, renvoyer l'image d'un ethnocentrisme américain couplée à une déshumanisation de l'étranger, cinématographiquement cela ne fonctionne pas car DESIERTO repose au final, intégralement sur sa tension et son suspens. Hors sans empathie, ou est le suspens ?


PHOTO DU FILM DESIERTO : GGB comme une merde, sans gun


D'autant plus que cette tension n'existe QU'À cause du déséquilibre du combat. L'américain, avec son fusil et son chien est ainsi une véritable nemesis, indestructible, face à laquelle la fuite est la SEULE option. Chacune de ses apparitions, qu'elle soit sonore, visuelle, ou sans préliminaires, directement létale, ne provoque qu'une réaction: la peur. Si cela maintient l'attention, le problème du manque d'empathie empêche d'avoir peur pour les mexicains en plus d'avoir peur de l'américain. A mon sens, c'est vraiment dommage de rater l'équilibre, et encore plus de le rendre négatif, même si c'est sans doute mon éducation Spielberg-ienne qui parle ici.



"DESIERTO, un efficace film de poursuite construit presque uniquement sur sa tension et l'exploitation intelligente de son décor, le désert"



Jonás Cuarón nous impose malgré tout, en dépit de ce déséquilibre lié au manque d'empathie, un fantastique état de tension. Si Gravity possédait la mise en scène aérienne (ou plutôt anti-gravitationnelle) d'Alfonso Cuarón pour retranscrire le même genre d'angoisse face à l'imprévisible, ici c'est uniquement l'utilisation de la géographie du désert qui fait la force du film - justifiant d'ailleurs le titre. La caméra elle, ne fait que filmer. Le montage rajoute un peu de tension... Mais au final, c'est cette fantastique utilisation de l'espace qui fait le film: qu'il s'agisse d'un piège à ciel ouvert (le tir au pigeon), d'un piège resserré (le canyon), ou d'une souricière (la forêt de cactus), Jonás Cuarón exploite les spécificités de son décor pour maintenir la tension, et le rythme.


PHOTO DU FILM DESIERTO : GGB comme un BG, avec un gun


Il m'aura malgré tout fallu une bonne heure pour réussir à voir DESIERTO comme ce qu'il me semble être: un pur film de mise en tension. Il y a ainsi un moment en milieu de film (la fin de la scène du canyon) qui replace enfin ces enjeux, en rappelant au spectateur qu'il n'est là QUE pour voir une traque, rien de plus. C'est à partir de cet instant que j'ai pu trouver du plaisir à voir le film, et ai pu le rapprocher de mes références du genre - telles Duel, ou Wolf Creek 2 - au lieu d'y repérer ce qui ne fonctionnait pas. Certaines scènes ont alors progressivement gagné en intensité, jusqu'à l'éprouvante mais pertinente course poursuite finale - ou le héros devra, par absence d'autre choix, arrêter de fuir pour enfin agir. Cette scène libératrice donnera rétrospectivement un peu de sens politique au film, comme fantasmagorie d'un pays devant prendre son sort en main plutôt que de chercher à fuir sa situation chaotique. In Fine.


Chroniqué par Georgeslechameau, pour Le Blog du Cinéma

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le 5 avr. 2016

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