Pouvoir, corruption et dominations

Dans sa version espagnole, le titre retenu, à savoir Ópalo de fuego: Mercaderes del sexo, fait révérence au bijou utilisé par les antagonistes pour hypnotiser les jeunes femmes de façon à les subordonner à leurs désirs, objet porteur certes d’un pouvoir magique mais surtout d’un pouvoir social : l’opale concentre l’aristocratie dans ce qu’elle peut avoir de tyrannique et de décadente, responsable de l’enlèvement d’artistes à des fins de traites illégales. La clausule orchestre alors la révolte du peuple, ici hippie, sur la classe dominante. L’intérêt du film tient à l’antithèse qu’il construit entre d’une part cette mafia organisée et pilotée par un couple infernal, microcosme duquel l’humour est banni, et d’autre part les deux amies danseuses qui jouent avec les attentes de leur public, masculin comme féminin d’ailleurs, et revendiquent une distance critique et amusée. Soit la rencontre entre le polar et la comédie de mœurs, liés par l’érotisme qui naît constamment dans les yeux de spectateurs appartenant aux deux sexes, qu’il s’agisse du duo de ravisseurs ou même de l’interrogatoire initial durant lequel le voyeurisme masculin évolue en mise en scène du désir par les femmes elles-mêmes, un désir issu du regard partagé qu’elle porte sur le corps de l’autre.

Jesús Franco, par souci d’efficacité et faute de moyens suffisants, dilue cette pertinence de propos dans un récit inutilement rallongé et redondant, quoique bien photographié ; il réitère le cliché de la traque féminine, déjà observé par exemple dans Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff (Michel Lemoine, 1976), en veillant à la confier non plus à des chasseurs mais à des chasseuses au moyen d’un hélicoptère, tel Deux Hommes en fuite (Joseph Losey, 1970). Les longues séquences érotiques achèvent d’astreindre le long métrage à une diffusion et à une ampleur limitées alors même qu’elles proposent, pour certaines, un renversement de la domination.