Le délais

Très bonne surprise.

En général quand j'ai un coup de cœur avec un film, au point de lui mettre 10/10, c'est que je me sens en phase avec le thème, la manière de le développer, l'histoire, les personnages, les émotions, et souvent la technique n'est pas parfaite mais il y a un truc sympa. Ici, c'est une première, c'est le concept et la façon dont il est exploité qui m'ont le plus impressionné. Les voyages dans le temps c'est toujours compliqués à traiter mais là l'auteur trouve la bonne manière et semble éviter les incohérences, sans doute parce qu'il ne s'éparpille pas trop : tout tient avec ces deux télés. C'est très malin, au début on sent les méninges qui cogitent durant les explications, et heureusement l'auteur réitère la première expérience plusieurs fois avec quelques petites variantes pour ouvrir les possibilités. Une fois que nous sommes familiarisés, il complique la donne avec l'effet infini et c'est là où peut-être il y a des erreurs mais on s'en rend moins compte ; durant le générique on voit les fiches de travail, et le schéma brièvement montré semble signifier que c'est cohérent.

En plus de ça, et c'est quand même assez dingue, le film est réalisé en plan séquence, et donc fonctionne en temps réel. Et vraiment, j'ai testé à plusieurs reprises durant le film, pour voir si le fameux délais de 2 minutes est respecté et c'est le cas à quelques secondes près. Bon, il y a quand même un peu de triche, du moins il me semble, je n'ai pas vérifié, mais j'ai à chaque fois l'impression que quand on revit une deuxième fois la séquence, ça va plus vite, ils vont à l'essentiel ; et ce serait logique car certaines conversations sont longues, le temps de descendre, monter, chercher un truc, il faut bien abréger ou aller plus vite pour rattraper le temps perdu. Mais ça je n'en suis donc pas sûr et ça ne change rien à la prouesse technique.

S'ajoute également des personnages sympas. Parce que souvent quand un auteur passe du temps à préparer le voyage dans le temps, le changement de point de vue, établir les règles, cela se fait au détriment des personnages qui ne sont alors là que pour remplir une fonction. Ici, il y a des émotions, de la joie, de la tristesse, les personnages ont chacun des ambitions, s'opposent même brièvement. C'est très bien écrit. Et on s'attache au personnage principal qui n'est franchement pas à l'aise avec cette expérience suite à son râteau.

Dernière prouesse, pour ma part, l'auteur a répondu à toutes mes attentes et plus encore. J'espérais qu'il y aurait un moment où ils ne font pas ce qu'ils doivent faire et cette séquence qui me paraissait indispensable arrive au bon moment. La fin est très bien écrite, pleinement satisfaisante.

Le découpage est bien pensé ; on sent que c'est tourné avec un petit appareil (et dans le générique de fin on constate qu'il s'agit d'un téléphone) la qualité de l'image n'est pas extra, le travail de lumière pas génial non plus, mais le réalisateur offre des cadrages variés, son équipe réduite est bien synchro et respecte ses marques. Je soupçonne un faux plan séquence étant donné que dans certains plans, la caméra colle de très près un mur ou une porte, moment idéal pour couper et reprendre un peu plus tard sans qu'on ne le remarque. Le décor est bien trouvé et bien investi. Les acteurs sont tous très bons. La BO et le travail sonore de manière générale sont soignés, permettent de créer une ambiance quand nécessaire.

Bref, excellent film.

PS : d'après ce que j'ai lu, le réalisateur ne filmait pas avec son téléphone portable ; en réalité il avait une caméra toute petite qu'il avait scotchée à un portable, ce dernier étant allumé pour que le réalisateur ait une idée du plan qu'il tournait.