• Le sinistre péché est éparpillé. Anéanti. Un corps disparaîtrait en un jour, avec toutes les bêtes qu'il y a ici.

  • Je ne vois pas de quoi vous parlez.

  • Je parle de sexe. De sexe ! Extorqué à un ne jeune fille dans un motel miteux. Je parle de la culpabilité. D'une culpabilité terrible. Affreuse. À tel point qu'elle ne sera évacuée qu'en éparpillant les preuves à travers le pays. Bon Dieu !

  • Je m'en vais.

  • Ne faites pas l'idiote. Que disaient les infos sur ce tueur ?

  • Je ne sais rien.

  • C'est vous, l'experte en cinglés. Aidez-moi. Ils ont parlé de Jack l'Éventreur...

  • Je n'y comprends rien.

  • J'ai une intuition.

  • Je pars.

  • Attendez, j'ai une devinette.

  • Je joue pas.

  • C'est animal.

  • Non !

  • Et plus gros qu'une boîte à pain. Mais ça peut tenir dans un sac-poubelle.

  • Ce jeu est malsain ! Un humain n'est pas un animal et ne tient pas dans un sac !

  • En coupant la tête, si.




Duel de Steven Spielberg sauce Fenêtre sur cours d'Alfred Hitchcock



"Road Games", de son titre français qui n'a rien à voir "Déviation mortelle", est un excellent thriller horrifique australien réalisé par Richard Franklin. Sur un scénario insolite d'Everett De Roche, on est submergé dans un road movie à suspense tenant presque du huis-clos au côté de Patrick Quid (Stacey Keach). Un camionneur américain qui vient de récupérer une cargaison de 30 flancs de porc qu'il doit livrer rapidement lors d'un long trajet linéaire étalé sur plusieurs jours. Un parcours solitaire à travers la plaine désertique de Nullarbor, une vaste région d'Australie, plate, désolée et desséchée qui s'étend sur plus de 1000 kilomètres. Un territoire hostile savamment retranscrit à l'image via la superbe photographie de Vincent Monton, qui traduit un cadre oppressant. Durant son trajet, Quid va rencontrer un tas de personnes qu'il recroisera tout du long de son périple. Parmi eux, une camionnette verte qu'il rencontre dans un premier temps à un hôtel situé à Adélaïde (capitale de l'Australie-Méridionale), avant le chargement de son convoi. Tout du long du récit, Quid va recroiser ce véhicule, qu'il va soupçonner être piloté par un tueur en série activement recherché, qui découpe en petits morceaux les auto-stoppeuses qui le long des routes du sud de l'Australie ont le malheur de monter avec lui. Le problème est qu'il a seulement de maigres indices et de nombreuses hypothèses. Avec si peu de preuves, Quid n'est pas sûr que cet homme soit vraiment le serial killer mentionné par la radio policière. Une suspicion qui va au fur et à mesure se transformer en certitude à sa rencontre avec "Pamela" (Jamie Lee Curtis). Une jeune auto-stoppeuse qu'il accepte d'embarquer et qui va finir de le convaincre que le conducteur de la camionnette verte est le tueur en série tant recherché. Un véhicule qui ne cesse de lui tourner autour. S'ensuit un jeu psychologique d'une redoutable efficacité où la réalité et la fiction ne cessent de se côtoyer. Un cheminement où Quid en vient à perdre son bon sens. Il ne parvient plus à faire la distinction entre le fantasme et le concret.


Déviation mortelle est un film haletant qui tient en éveil le spectateur dans l'attente angoissée de ce qui va se produire. Une inquiétude très vive à travers une conduite scénaristique Hitchcockienne qui met en place un jeu psychologique sous haute tension du chat et de la souris. Un véritable tourment pour Quid, mais aussi pour l'observateur (nous) qui ne cesse lui aussi de se demander si le type dans la camionnette verte est vraiment un assassin. Un jeu d'énigmes savamment entretenu par une interaction extrêmement restreinte entre le personnage principal et le présumé suspect. Si bien, qu'on ce demande quelquefois si ce n'est pas Quid qui imagine tout. Une élaboration scénaristique intelligente qui conjugue habilement le suspense avec l'horreur, mais aussi avec une légère touche d'ironie. C'est comme si le metteur en scène se moquait de la situation difficile des doutes de son personnage principal et donc du téléspectateur. Un scénario qui place d'abord le verbe avant l'action via des longs monologues tenus par Quid. Des dialogues spirituels assez riches pour maintenir l'attention et assurer une exposition abondante. Une conduite obligatoire puisque Quid se trouve pendant plus de la moitié de l'histoire seule devant une caméra avec un objectif souvent pointée près sur lui. C'est lui qui est chargé de tout rendre suffisamment engageant afin de ne pas perdre le spectateur le long du chemin. Les péripéties qui arrivent en second plan sont efficaces. Des séquences mouvementées qui surviennent chaque fois aux bons moments, ne faisant jamais trop ou trop peu. Le final tient ses promesses avec une course-poursuite insoutenable sur une droite lignée à la "Duel" de Steven Spielberg. Des véhicules lancés au départ à grande vitesse, puis à vitesse réduite pour un maximum de frissons. Un résultat qui daigne enfin nous faire découvrir la "vérité" qui entoure le mystérieux conducteur du van vert.



Celui qui doit mourir pendu ne mourra pas noyé.



Richard Franklin gère le suspense d'une main de maître en mettant intelligemment à profit l'environnement australien. Des espaces efficacement filmés sur une direction artistique de Jon Dowding appuyée par les décors incroyables de Jill Eden. Une maîtrise de l'espace et de l'environnement impressionnante. Un espace qui doit être savamment mis en scène car l'action est largement confinée à la cabine du camion de Quid. Les rares fois où il en sort on se régale de la cinématographie qui retranscrit une atmosphère noire au plus souvent suffocante. Une ambiance oppressive que l'on va retrouver lors du passage dans le bar d'un relais routier. Même équivalence de ton durant un arrêt d'une nuit à la belle étoile autour d'un feu de camp à côté d'une usine désaffectée avec des éclairs révélant au loin la camionette verte tapis dans les ténèbres. Le moment qui suscite le plus d'anxiété est certainement celui où Quid se retrouve dans sa remorque pour contrôler sa marchandise. Un convoi qu'il soupçonne renfermer des morceaux de femmes mélangés aux flancs de porc. Une conception technique d'une habileté étonnante. Un succès qui sera jusqu'au contraste de l'image avec de magnifiques jeux d'ombres et de couleurs. Une colorimétrie qui par deux fois atteint la perfection. La première : lors de la mise à mort du meurtrier (dont on ignore s'il s'agit du conducteur de la camionnette verte), avec une jeune femme nue une guitare en main plongée dans un éclairage sombre teintée de rouge contrasté par l'éclairage divin de la salle de bain où l'assassin prépare son massacre. La deuxième : lorsque Quid se retrouve à poursuivre le van vert qu'il soupçonne détenir Pamela et qu'il entend à la radio qu'il est le principal suspect des meurtres. Un changement de couleurs allant de pair avec Quid qui sombre dans la folie. Un superbe travail de réalisation faisant honneur à Alfred Hitchcock. Assez étonné de la composition musicale de Brian May, qui est très bien mais qui apporte un contraste déroutant via une musique optimiste.


Le comédien Stacy Keach sous les traits du camionneur Quid est fantastique. L'acteur captive l'attention en incarnant un personnage extrêmement intéressant à suivre. Un homme cultivé qui ne manque pas d'occuper son temps en discutant avec son chien, non pardon, son dingo ''Boswell''. Un animal de compagnie qu'il gratifie de ses longues pensées philosophiques et poétiques. À côté de cela, il occupe son temps de conduite à travers divers jeux où il spécule sur les gens qu'il croise sur la route. Un voyeurisme obsessionnel où chaque personnage rencontré devient pour lui une fenêtre sur une intimité qu'il fantasme à travers une imagination débordante. Une inventivité d'esprit qui va le mener sur la piste d'un potentiel tueur, seulement peut-il faire confiance à son esprit fantaisiste ? Jamie Lee Curtis, en tant que Paméla Rushworth, que Quid surnomme "Hitch", est magnifique. Un personnage qui prend peu de place mais qui pour son temps imparti marque de sa présence. Curtis incarne une jeune femme sûre d'elle qui sait ce qu'elle veut et qui n'a pas peur de faire du stop dans une région reculée. La relation qu'elle entretient avec Quid fonctionne à merveille. Quid et Hitch sont fusionnels, au même titre que Stacy Keach et Jamie Lee Curtis. La comédienne qui s'est retrouvée dans ce film grâce à son cher mentor John Carpenter, un ami de Richard Franklin, qu'il a rencontré à l'école durant les classes de cinéma et qui a chaudement conseillé l'actrice au cinéaste. Marion Edward en tant que Madeleine 'Orchi' Day, une autre auto-stoppeuse qui n'a pas peur d'employer les grands moyens pour stopper un véhicule m'a amusé. Enfin, le comédien Grant Page pour l'homme mystère, le fameux conducteur du véhicule qu'on se demande s'il est véritablement un tueur en série ou non. Le comédien se montre peu et ne prononce aucun mot. Le cinéaste iconise l'emprise inquiétante que représente ce personnage via sa camionnette verte. Un véhicule qu'il symbolise par un prisme maléfique comme si c'était le mal en personne. Chaque fois qu'elle apparaît on s'inquiète.



CONCLUSION :



Road Games alias Déviation mortelle réalisée par Richard Franklin est un thriller horrifique oppressant dans lequel on arpente les routes australiennes désertiques sous un suspense haletant. Un road movie implacable où le cinéaste sous la double influence de Spielberg avec "Duel" et Alfred Hitchcock avec "Fenêtre sur cour" va opérer un spectacle paranoïaque de haute volée. Un cheminement scénaristique intelligent sur une superbe réalisation pour des personnages délicieux.


Parmi le top du cinéma d'exploitation australien des années 1970 et 1980.



Les forces de l'ordre rappellent au public que l'auto-stop est dangereux et illégal.


Créée

le 4 oct. 2022

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