Le réalisateur Fabien Gorgeart proposait en 2017 une comédie romantique doublée d’un portrait sensible et même mélancolique d’une femme indépendante, avec une formidable Clotilde Hesme dans le rôle titre. A voir ou revoir en DVD et VOD !


Attention vous êtes en présence d’une subtile comédie sociétale contemporaine française ! Oui en effet, venant de moi je le reconnais cette formulation peut surprendre, vu à quel point je fulmine régulièrement envers l’inondation sur nos écrans de nombreux breuvages lourdingues made in France, où les clichés sont devenus des partenaires d’enjeux assez dramatiques pour les neurones. Ici rien de tel, cette excellente comédie dans l’ère du temps très bien écrite dépeint le destin de Diane, célibattante extravertie, qui a décidé de porter l’enfant que désirait avoir un couple d’amis homosexuels, alors qu’elle-même ne se sent pas l’âme d’être mère.


Le metteur en scène Fabien Gorgeart, remarqué avec l’excellent court-métrage Le sens de l’orientation (2012) (déjà avec les acteurs Fabrizio Rongione et Thomas Suire) tisse pour son premier long métrage une comédie romantique qui sort des sentiers rebattus. Dès la première séquence, entamée par des bruits de rires dans une boîte de nuit, le ton surprend par sa causticité. L’auteur nous présente assez vite la situation psychologique, en montrant que Diane ne veut être qu’une mère porteuse, pensant que cette grossesse n’aura pas d’impact sur sa vie, tout comme son histoire d’amour entamée dès le début de sa grossesse avec un électricien venu faire des travaux dans la maison héritée de la grand-mère.


Le réalisateur utilise une mise en scène solaire et harmonieuse n’ayant de cesse d’accompagner son héroïne avec élégance en lui donnant de plus en plus de corps dans le cadre, à mesure que son ventre s’arrondit (tout comme les pièces de la maison en travaux). Sur un ton toujours léger mais pas mièvre, l’écriture sincère et honnête de Fabien Gorgeart ne se sert pas de son sujet pour nous infliger son prosélytisme, la subversion de son point de vue est justement qu’il n’y pas de sujet. En montrant de façon absolument naturelle les conséquences intimes que cette future naissance engendre, malgré elle sur les quatre protagonistes et sur leur amitié, l’acuité de ce parti-pris rend prégnante toute la subversion du film, à contre-courant de tout ce qu’on peut entendre ou lire.


Le cinéaste profite judicieusement de cette histoire pour dresser un portrait générationnel (où le couple gay n’est ni insulté, ni caricaturé…), et nous dévoiler un portrait sensible et parfois mélancolique (dans sa fierté de ne pas dévoiler ses fragilités intimes) de femme indépendante, dans sa liberté de penser et de se mouvoir malgré la grossesse sans oublier d’évoquer en toile de fond le lien filial jusqu’au dernier plan-séquence d’une remarquable puissance affective.


Le réalisateur décline un récit moderne profond sans jugement sur ses personnages et son thème, par le biais d’une narration linéaire fluide (les 9 mois s’inscrivent tour à tour à l’écran), douce-amère parsemée de situations déclinant le parcours intime de chacun des protagonistes. Cette tragi-comédie aux allures de “vaudeville” bénéficie de dialogues d’une justesse en adéquation avec l’époque, et permet également de nous interroger sans controverse, de façon pertinente. Pour irriguer ce long métrage lumineux, le cinéaste (qui a écrit le rôle pour elle), s’appuie sur une formidable Clotilde Hesme, tour à tour virevoltante, impulsive, virile et pétillante, elle illumine littéralement le film de tout son talent de montagnes russes émotionnelles avec acuité, bien entourée par des seconds rôles d’un naturels confondants, interprétés par Fabrizio Rongione, Thomas Suire et Gregory Montel.


Alors que les confrontations morales sur la GPA continuent de diviser, ce film vient ouvrir la voie à l’intelligence de tous sur cette thématique d’actualité, si délicate pour certains, et libère le débat cloisonné sur la GPA avec finesse… Venez découvrir à travers cette chronique la naissance d’un cinéaste, et constatez qu’effectivement, malgré tout, Diane a les épaules. Burlesque. Réjouissant. Émouvant.

seb2046
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le 28 janv. 2021

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