Rares sont les films qui méritent autant le titre de pépite cachée que Dieu et mon droit. The Ruling Class - (son titre original) se veut une satire sur la classe dirigeante anglaise et le réalise en deux parties distinctes et aussi excellentes l'une que l'autre :
Folie Passagère
Avant tout il faut s'intéresser à la scène d'introduction car elle est extrêmement réussie, on y voit le rituel du père du héros (joué par le très talentueux Harry Andrews), personnage important de la haute société qui simule son suicide et se rate lamentablement finissant donc mort bien contre son gré. Cette scène pose les bases de l'ensemble du film : il va nous parler de choses importantes en les tournant en ridicule, mais il va le faire avec sérieux : avec de bons acteurs, des situations réfléchies et une caméra bien placée.
Folie Douce
Dans la première partie du film, Jack, successeur unique de son défunt père revient au domaine familial. Malheureusement pour tout le monde, Jack souffre de trouble dissociatif de l'identité et se prend littéralement pour Dieu ce qui va rendre compliqué sa relation avec l'ensemble des membres de cette "grande famille anglaise" qui ne souhaitent pas qu'un fou contrôle le patrimoine familial. Cette confrontation fonctionne bien, la folie plutôt amusante de Jack crée des moments inattendus et sa simplicité met en exergue les frustrations et les ambitions futiles de la bourgeoisie qu'il côtoie. La manière dont le tout est filmé aussi, il y a un aspect théâtral très agréable qui colle parfaitement à l'ambiance de coups bas dans laquelle baigne la première heure du film. Les nombreux plans rapprochés sur les visages de chacun des membres de la famille accentuent le décalage avec Jack et le ridicule de la situation de manière amusante et des intermèdes musicaux inattendus apportent un coté assez unique, c'est très sympathique. Cette première partie a l'excellente idée de se clore sur un grand moment de cinéma lorsque Jack est confronté à un autre homme persuadé d'être Dieu afin de provoquer chez lui un électrochoc.
Folie Furieuse
Ce premier climax du film a des conséquences fascinantes, alors que l'on pense que Jack n'a plus de TDI et que l'on le voit s'intégrer à son environnement (les séquences musicales formant une manière métaphorique de créer des liens avec les autres), on comprend assez vite que cela n'est qu'une illusion et qu'il est passé de se prendre pour un dieu qui prêche l'amour, à se prendre pour Jack l'éventreur et prêcher la haine. Si la première partie pouvait subir le reproche d'être du déjà vu, la seconde offre une métaphore bien plus unique : Jack est désormais un psychopathe coincé dans le passé, pourtant chacun de ses mots séduit la bourgeoisie anglaise qui l'entoure. Ce message selon lequel les prédicateurs passéistes dont le discours est basé sur la haine sont des esprits malades est précieux, et bien évidemment encore valable aujourd'hui.
Dieu et mon droit est un film brillant tant par son propos satyrique qui fonctionne très bien sans tomber dans le cliché ridicule, que par son exécution technique : jeux d'acteurs, décors, beauté des plans et montage y sont superbement réussis. Son aspect théâtral participe aussi à cette réussite, lui permettant d'accorder du temps à chacun de ses personnages (qui sont tous bien pensés) et leur faire suivre des arcs narratifs les faisant évoluer de manière intelligente, faisant passer les 2h30 de métrage à une vitesse phénoménale.