Alors qu'une maladie aussi terrifiante que meurtrière et contagieuse se répand dans tous le pays, un jeune "couple" doit y faire face dans l'intimité d'un appartement. Le pitch du premier long métrage de Thibault Emin peut faire redouter une tentative de cinéma opportuniste surfant sur l'expérience confinée de la pandémie du Covid, il n'en est heureusement rien.
Le socle de la réussite du film réside dans la rencontre entre ses deux protagonistes, qui, au delà du fait d'être incroyablement campés par leurs interprètes offrent un contraste saisissant : celui de l'homme taciturne et de la femme pétillante. Bien que semblant impossible au premier abord, leur histoire d'amour portée par une caractérisation et des dialogues réalistes et les conditions exceptionnelles du confinement apparait entièrement crédible et crée envers un attachement synonyme d'émotions pour le spectateur. Car si le thème du film est celui de la fusion, il nous parle de celle des corps avec leur environnement mais aussi celle de ces deux êtres que tout opposait.
Cependant la grande force du film réside encore ailleurs : dans le traitement cinématographique de cette maladie et de l'horreur croissante qu'elle apporte aux personnages et à l'écran. Cela se ressent tout d'abord dans l'utilisation massive du flou, annonciateur de cet état où plus rien ne sera clairement identifiable. Cette idée visuelle associée à la déambulation prémonitoire de Cass vêtue d'une simple couette montre une volonté d'instaurer, dès la situation initiale les éléments de l'enfer à venir.
Difficile de parler de Else sans aborder la question du décor, qui a dans ici une importance prépondérante, il y sort de sa simple fonction esthétique pour devenir un personnage à part entière à mesure que l'ensemble des éléments (animés ou inanimés) fusionnent. Cette idée géniale est appuyée par une réalisation irréprochable : les décors et leurs textures sont superbes et participent pleinement à l'ambiance si particulière du film, transformant peu à peu l'appartement en piège, provoquant un réel ressenti d'angoisse appuyé par la mise en scène et une utilisation du son léchée.
A mesure que l'intrigue avance, osant même un passage au noir et blanc plutôt réussi, le film nous fait entrer dans un territoire de folies graphiques proches de celles du cinéma de Mandico (en gardant un peu plus les pieds sur terre niveau scénario) rendant le piège toujours plus cauchemardesque et organique.
L'amour n'étant finalement pas plus fort que tout, Cass n'échappera pas à son destin funeste mais permettra à son compagnon de trouver le repentir, lui qui n'avait pas réussi à être présent auprès de sa mère.
Visiblement incapable de se contenter de ce qui aurait déjà pu être une fin de grande qualité, Thibault Emin nous propose ensuite un final extrêmement graphique à la 2001 dont on ne peut une fois de plus qu'apprécier la créativité.
Else nous prouve donc qu'il est possible de faire des bons films sur la thématique du confinement, nous proposant une histoire d'amour, d'horreur et d'abnégation tout à fait unique. Cela s'explique en partie par les 5 ans ayant été nécessaires à la création du film mais est surtout le reflet de ce qui arrive quand tout une équipe se met à son diapason (acting, décors, son...). Bravo à eux !
Le principal bémol qui me vient en tête est celui d'une utilisation trop visible de l'intelligence artificielle sur certains points qui auraient gagnés à être aussi organiques que le reste des autres effets visuels, mais si cela a permis d'économiser suffisamment d'argent pour permettre au film de se faire, ça me va !