La photographe japonaise Mika Ninagawa est déjà bien loin de son coup d’essai. Troisième long-métrage de la désormais réalisatrice, « Diner » fait bouillonner avec insistance le faitout esthétique en s’accaparant d’une allure de Moulin Rouge saturé au foodporn et à la mafia gastronomique. Adapté d’un manga d’Yumeaki Hirayama, le film suit ainsi la jeune et jolie Kanako, souffrant de solitude et désireuse de s’envoler au Mexique. Elle se retrouve dans le restaurant de Bombero, un mystérieux cuisinier ne servant que des tueurs sous contrat…
La première chose à interpeller, dans cet étrange ballet, c’est le rythme. Au départ assez lent, et dépeignant avec finesse la solitude de son héroïne, « Diner » chute rapidement dans ses retranchements commerciaux. Synthèse féministe mélangeant rythme de manga et esthétique de photo de mode, le film pourrait être un hybride intéressant si nous le filtrons à la manière d’une adaptation passionnée. Sinon, il s’avère un objet pop affichant sa modernité aux couleurs vives d’une manière presque insolente.
Rutilant et cumulant sans vergogne nombre de clichés propres aux adaptations de manga, « Diner » révèle cependant comme une double face, autobiographique. Nombreux dans le film sont les flashbacks revenant à l’enfance de Kanako. Outre le fait que ces derniers soient la seule source d’émotion du film, on note qu’ils se déroulent dans un théâtre, probablement celui où Mika Ninagawa expliquait y avoir passé son enfance en interview. La suite, dans le restaurant où l’héroïne est prise en otage comme serveuse, s’interprète ainsi comme une satire discrète du milieu de la mode : superficiel, machiste, faux, insolent… Il est par ailleurs assez drôle de voir ces spadassins défiler comme des mannequins dans un lieu où ils sont voués à s’entretuer.
Si Mika Ninagawa s’avère désormais une réalisatrice dont les tribulations sont à suivre de près, « Diner » confirme cependant que son œuvre commence déjà à s’apparenter à un tsunami dans un verre d’eau. Beaucoup de décoration, mais aussi de potentielles profondeurs négligées par l’envie d’en découdre. Ça forcerait presque l’emploi de ce mot abject : stylé.