Voilà un film bien ancré dans son époque : un petit groupe d' individus marginalisés par leurs handicaps respectifs (la fille a la moitié du visage marqué par une brûlure, le garçon souffre de crises d'angoisse, et leur "chaperon" paraplégique montre des manières plutôt efféminées), décident de quitter l'hôpital pour vivre ensemble dans une vieille maison. Ils deviennent amis avec un marchand de poisson, et tentent de trouver des bouts de joie dans l'existence.
Et oui, à l'époque, des films américains osaient ne rien raconter de plus, pas de méchant ou de grave intempérie à combattre, juste les tracas banals de gens qui ont la chance de "vivre en des temps inintéressants".
Après tout, l'époque était pour les blancs Américains de la classe moyenne (et pour ceux qui comme ici n'avaient pas l'honneur de mériter le statut de chair à canon), celle des hippies et non du Vietnam, qui concernait plutôt les pauvres, les noirs, et les Vietnamiens.
Un film doux-amer oublié, comme bon nombre de curiosités déviationnistes de l'époque (Preminger avait déjà réalisé Skidoo en 1968), qui porte la voix d'une Amérique alternative audible par les moins politisés. Ni verbeuse, ni démonstrative, ni poseuse, sans opportuniste exposition du corps féminin ni machisme, la mise en scène de l'exploration d'une autre vie.