Disgrâce est un roman puissant et inspiré de John M. Coetze, écrivain sud-africain et prix Nobel de littérature. Steve Jacobs, cinéaste australien médiocre et inexpérimenté, s’est lancé avec pas mal de culot dans une adaptation cinématographique qui paraissait pourtant a priori relativement aisée tant le style de Coetzee semble se prêter à cet exercice, aussi bien sur la forme que sur le fond. Mais Jacobs n’a semble-t-il rien compris à ce qui fait la force du roman de Coetzee, à savoir l’ambivalence de son personnage principal et son extraordinaire choix philosophique de passivité devant ce qui lui arrive. Il le transforme on ne sait trop pourquoi en une espèce de pervers dépassé par ses pulsions dont on ne pourrait que se réjouir de la « punition » qui lui est infligée tout au long du film. John Malkovich, acteur puissant et charismatique, passe lui aussi totalement à côté de son personnage, probablement mal dirigé par son metteur en scène. Du coup, les scènes qui sont si fortes dans le roman tombent complètement à plat dans le film et c’est un véritable crève-cœur d’assister à ce massacre d’une œuvre aussi forte. Quant au discours sur la difficulté - pour ne pas dire l’impossibilité - de la coexistence des races en Afrique du Sud, il est démembré et vidé de sa substantifique moelle… Quel gâchis !