Disgrace est un film loin d'être inintéressant mais qui semble tout mettre en œuvre pour se rendre à la fois hermétique et antipathique.
De la mise en scène, assez plate et insipide à quelques rares moments prêts, il n'y a pas grand chose à dire: l'essentiel reposant sur le récit, l'étrange moralisme qui s'en dégage et l'interprétation assez forte des comédiens. notamment d'un John Malkovich très étonnant.
Je précise d'emblée que je ne suis pas du tout familier de l'oeuvre de John Maxwell Coetzee et que je ne connais notamment pas du tout ce livre précis, ce qui occasionnera sans doute quelques erreurs de lecture puisque mon interprétation ne sera basée que sur le film lui même.... mais bon, je me lance...
"Faire face à ses démons", voila qui semble être au cœur de ce film dont le récit se déroule dans l'Afrique du Sud post-Apartheid où les blancs profitant encore de quelques rares privilèges et sans doute devenus indésirables, subissent un étrange et dérangeant retour de boomerang dans lequels les deux personnages principaux du film - père et fille - semblent se complaire royalement.
Il est en effet bien difficile de comprendre autant leur réaction aux évènements qui ne semble conditionnée qu'à une culpabilité inscrite dans leur chair même, que leur mode de pensée qui ne parait soumis qu'à la satisfaction d'un désir immédiat et inexplicable, dénué de toute perspective d'avenir, comme exclu de toutes conséquences, sur eux-même comme sur les autres.
C'est un univers extrêmement ambigu que décrit là Steve Jobbs puisque les personnages semblent totalement dénués de morale pour le père et d'amour propre pour la fille et qu'ils agissent pourtant constamment à l'inverse de ce qu'il semblent exprimer ou représenter.
Le film s'avance alors de plus en plus vers une métaphore de la domination des hommes par d'autres hommes, de la culpabilité qu'elle peut engendre et qui rejaillit sur la descendance de ces hommes comme un atavisme de culpabilisation...
Plus le film développe cet aspect, plus il en devient d'ailleurs irritant et, en même temps, plus il devient déconcertant, dérangeant et inconfortable. Et donc forcément plus intéressant qu'un film lambda et politiquement plus incorrect...
Mais, pourtant dans ces développements plus évidemment empreints de christianisme, il finit tout de même au cours de certaines scènes et de certains discours par devenir franchement répugnant :
Les excuses de John Malkovich à la famille de la jeune étudiante "abusée" sont un sommet de repentir chrétien. Le fait d'avoir profité de son statut de prof de fac, pour coucher avec une étudiante majeure et vaccinée s'apparentant alors ici au viol rituel et récurrent de sa propre fille (et sans doute de l'ex fiancée de celle ci) de manière clairement abusive.
Si cela avait été un prof de collège, j'aurais compris, mais s'agissant d'une jeune femme, j'ai du mal à saisir.
Il semble cependant que le facteur racial (la jeune fille est métisse) entre ici en ligne de compte et le prof serait donc peut-être davantage coupable d'être un blanc ayant séduit une jeune noire...?
Je m'interroge et j'avoue ici qu'à ce stade beaucoup de choses m'échappent dans ce film.
Sa fille, jeune femme violée par trois jeune noirs, visiblement pas pour la première fois, semble se plier à ce marquage rituel au point de le subir comme un martyr inévitable et consenti... elle va même jusqu'à renoncer à tous ses biens, y compris à sa maison et à se soumettre à un mariage factice pour vivre recluse dans sa propre maison et soumise à la loi du viol rituel, de l'enfant qui en naitra et qu'elle élèvera comme une dette à payer au pays et à ses habitants...
"Comme un chien", c'est le terme employé par son père, John Malkovich dans le film pour qualifier sa soumission...
Il s'agit donc bien là d'un film sur l'impossibilité apparente de toute rédemption et la condamnation à l'expiation qui est bien peu confortable et vraiment très dérangeant.
D'autant que les personnages de noirs sont dans le film tous des figures étranges, inquiétantes, menaçantes, parfois presque surnaturelles, comme des fantômes dans le paysage avec de brefs glissement aux frontières du fantastique...
Souvent intéressant, parfois horripilant, un peu confus dans son propos et banal dans sa forme, Disgrace est un drôle d'objet cinématographique... Il évoque par certains côtés les grands mythes fondateurs, notamment de l'Ancien Testament et de la Genèse, incroyables de cruauté et de valeurs métaphoriques et en même temps, le film semble peiner à condenser tout cela sur une durée d'une heure trente...
Pas sur que j'aurais envie de le revoir un jour... en tous cas...