Un polar très classique mais qui a de la gueule
Un polar qui a « de la gueule » …
Si avant d’entrer dans la salle on pouvait se poser des questions sur la capacité de Kad Mérad à porter un polar, le premier aspect qui frappe face au film est visuel : la photographie de Disparue en hiver est belle. Si le réalisateur vient de la télévision cela ne transparaît pas dans une image sobre mais travaillée, inscrivant les personnages dans les paysages de la froide campagne Luxembourgeoise. On pense au David Fincher post-Zodiac, en moins virtuose évidemment, avec ses couleurs froides, ses mouvements de caméra discrets, et son ambiance lourde mais pas inutilement glauque. Cette impression est renforcée par la musique d’André Dziezuk, électronique et discrète, qui rappelle légèrement celles composées par Trent Reznor et Atticus Ross.
Cela vaut la peine d’insister : dans un cinéma français souvent intéressant mais pas toujours pour sa forme, on a plaisir à voir un film techniquement accompli, avec un travail visuel et sonore intéressant.
L’intrigue, elle, se répartit sur deux niveaux. D’un côté, on a l’enquête sur Laura, qui comme son homonyme de Twin Peaks cache sous une apparence de jeune fille sage de lourds secrets qui semblent la relier à différents notables de cette petite ville. Polar oblige, on aura notre dose de photos fétichistes, d’échangisme sur les parkings, et autres activités nocturnes. Comme dans Twin Peaks encore, les enregistrements vocaux serviront de guide principal à Kad Mérad, qui va devoir comprendre qui elle était et quel était son monde pour avoir une chance de la retrouver.
De l’autre côté on a l’enquêteur Kad Mérad : là aussi, plus le film avance, plus l’on en sait sur lui et son passé. On comprend peu à peu pourquoi il a tellement à cœur de retrouver cette fille. On suit aussi sa relation avec son ex-femme, jouée par Géraldine Pailhas, infirmière sur le point de déménager sur Paris et qui contrairement à lui a réussi à refaire sa vie. Daniel est lui aussi disparu en hiver : en rupture avec ses anciens amis, privé de vie sociale, prisonnier d’un métier qui ne lui apporte aucune considération sociale, il retrouve peu à peu vie via cette quête. Pour autant, cette nouvelle vigueur s’accompagne d’une violence qui surprend d’autant plus que Kad Mérad est toujours ce nounours aux grosses cernes, l’homme normal par essence, et pas forcément le plus outillé pour une descente aux enfers.
De manière générale, si le film semble puiser dans de grosses influences assez repérables, au moins a-t-il le bon goût de s’inspirer de ce qui se fait de mieux. Malheureusement, si le film est assurément une bonne surprise, il n’est pas pour autant un nouveau classique du polar français, et l’on va voir pourquoi.
… Mais qui ne prend pas assez de risques
Malgré l’enthousiasme des premières minutes, quelque chose fait que le spectateur perd peu à peu son attention, comme s’il s’enfonçait dans cette ambiance brumeuse et hivernale. Pourtant, il n’y a pas de faute de goût, l’intrigue est menée avec efficacité et propose une résolution un peu précipitée mais satisfaisante. Il reste qu’en sortant de la salle, on a cette impression qu’il manque quelque chose qui ferait passer disparue en hiver du statut de bon à très bon film.
Ce petit quelque chose, c’est peut-être un manque de prise de risque. Dans le dossier de presse, Christophe Lamotte explique s’être inspiré d’éléments réels, tant pour le métier de Kad Mérad (que son père exerce) que pour l’histoire de la disparition. Seulement, à partir du moment où l’histoire est racontée sous la forme d’un polar, on quitte cette réalité, et le film semble hésiter : faut-il aller dans des éléments d’intrigue policière, ou faut-il rester dans le réel ? La conséquence est que le film est un peu trop rationnel et pas assez ludique.
Si l’on revient aux modèles évoqués plus haut que sont David Fincher et David Lynch, on se rend compte dans le premier cas que ses scénarios sont tendus au possible, jouant constamment avec le spectateur en le poussant de fausse piste en fausse piste, le tout avec un rythme suffisamment posé pour qu’on ait pas l’impression de survoler l’intrigue, mais aussi suffisamment alerte pour que l’on ne voit pas le temps passer : tout y est efficace. A l’inverse dans le Twin Peaks de David Lynch, le rythme est assez lent, mais l’exploration du passé de Laura Palmer fait resurgir des secrets vraiment très sombres, au point de basculer dans le fantastique, créant une ambiance fascinante.
Le script de Disparue en hiver, n’est ni purement efficace, ni fascinant. Le personnage de Kad Mérad manque d’intensité, les personnages secondaires ne sont pas assez approfondis, pour que l’on soit ému, effrayé, suspendu à ce qu’il se passe à l’écran.
Il lui manque la petite étincelle qui fait passer d’un bon film à un film référence.
Disparue dans les salles
Pour sa première semaine d’exploitation, le film n’est pas rentré dans le top 10 des meilleures entrées, ce qui implique moins de 70 000 entrées, soit à peu près rien. Est-ce par lassitude de voir l’omniprésent Kad Mérad ? Ce serait dommage, car son rôle ici n’a rien à voir avec ceux qu’il peut avoir dans RTT ou On a marché sur Bangkok. Si Disparue en hiver ne révolutionne pas le monde du polar, il propose une intrigue solide et une réalisation soignée : les amateurs devraient avoir une bonne surprise en allant le voir.
Cette critique a été publiée initialement sur le site CinéSériesMag : n'hésitez pas à cliquer sur l'url pour d'autres critiques et actus...