Distance
6.7
Distance

Film de Hirokazu Kore-eda (2001)

Distance est sûrement le moins connu des Kore-Eda. L'un des plus sombres et sérieux également. Ceux qui l'ont découvert avec Nobody Knows, Air Doll ou avec son dernier en date, Miracle (sortie prévue en France en avril 2012), pourraient être surpris ou même déçus. Il était en compétition pour la Palme d'or en 2001, remportée par la Chambre du fils qui traitait lui aussi du deuil.

A l'instar de Maboroshi, ce film est situé un peu à part dans sa filmographie mais se révèle pourtant terriblement koreedesque, sorte de pépite noire qui serait le matériau brut à partir duquel le cinéaste taille et forge ses habituelles fables pastel et lumineuses. Maboroshi et Distance sont plus arides, plus austères, moins sucrés et tirent sur l'amertume. Les deux auront d'ailleurs l'image éclatante d'un feu sur l'eau dans l'atmosphère ombragée d'un crépuscule précoce, image très tarkovskienne, et qui résume bien la tension qui anime ces deux films et plus généralement toute son œuvre.

Le film voit se réunir quatre proches de membres d'une secte ayant perpétré trois ans auparavant des attentats terroristes suivis d'un suicide collectif. Si les médias s'en souviennent comme d'un acte ignoble de monstres, les protagonistes doivent eux surtout faire face à l'incompréhension. Leur rencontre annuelle tente ainsi de reformer la mosaïque nécessairement incomplète et ambivalente des dernières heures de cette société, de comprendre le geste de ces personnes qui loin d'être des ogres fanatiques étaient avant tout pour eux des frères, des compagnons, des amis et surtout des gens tout ce qu'il y avait de plus normal. De courts et discrets flashbacks viennent montrer leur réaction mais n'éclaircissent pas pour autant le mystère.

Chez le cinéaste japonais la mort est omniprésente partout, dégoulinant du réel par ses moindres interstices mais frappe aussi par son absence ; elle n'est qu'une silhouette au coin de l'œil, un glissement sourd que l'on ne peut saisir. Elle ne peut qu'exister en creux, comme une éclipse, par l'absence et par l'entremise des vivants et de leurs regrets. Une distance qui se mesure à l'aune des souvenirs et qui demeure tragiquement et inexorablement incompressible.
Cinéaste qui donne essentiellement à voir, Kore-Eda évite toute pédagogie forcée ou une quelconque dramaturgie exacerbée et ne cherche surtout pas à dresser une comptabilité psychologique, une justification sociologique et encore moins une morale ! se contentant avec pudeur de dévoiler quelques lambeaux de ce qui l'intéresse : les survivants ou plus justement les 'souvenants'.

Parenthèse silencieuse dans les bois avant de retrouver leur vie tokyoïte, Toussaint contemplative quand les vivants et les défunts sont à leur périhélie.
Nushku
6
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le 4 janv. 2012

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Nushku

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