Mais alors brut, le diamant ! Depuis la sortie du premier film de Blomkamp, on m’a longtemps rebattu les oreilles sur ses qualités, de l’originalité de la forme à ses effets réussis, en passant par la portée universelle de son message. Reste que comme je n’avais nullement envie de le voir, ce genre de martelage demeurait le meilleur moyen de me faire fuir. Et je dois dire que quatre années durant, cela a fonctionné à merveille. Mais comme seuls les imbéciles ne changent pas d’avis (l’adage est faux cela dit, certains imbéciles changent d’avis quand même, et j’en suis la parfaite illustration), et vu que plus personne ne m’en parlait, j’ai pu laisser de côté mon vil esprit de contradiction, et franchir le pas, enfin.
BLOMKAMP D’BLOMSOIR !
M’exclamé-je alors que défilait devant moi une pellicule fort accrocheuse dont je n’attendais strictement rien pourtant. Le film nous embarque dans un pseudo-documentaire sur l’arrivée d’un énorme vaisseau qui va stationner pendant une vingtaine d’années au-dessus de Johannesbourg.
Visuellement, c’est plutôt bien fichu, le film est produit par Peter Jackson mais possède une identité différente des œuvres du papa de … "Braindead". Ce qui m’a épaté ici, tout comme ce fut le cas pour "Snowpiercer" dernièrement, c’est cette faculté que l’on retrouve chez certains réalisateurs, d’optimiser un budget et atteindre un niveau technique proprement ahurissant, n’ayant pas à rougir face à des productions de bien plus grande envergure. Le budget de "District 9" serait estimé à 30 millions de dollars (celui du film de Bong Joon-Ho à 40 millions), et j’ai bien à l’esprit quelques films récents ayant coûté 6 à 7 fois plus, qui ne présentent pas un univers d’une telle cohérence, et un rendu si "vrai". "Hats off" !
BLOMKAMP…DE CONCENTRATION
Suite à cette première partie façon reportage particulièrement immersive et bien orchestrée, "District 9" prend hélas peu à peu des allures de film d’action lambda sur fond de SF, avec un peu de gore et une vague tension, même si certains ressorts sont usés, rendant le tout assez prévisible. Blomkamp nous sert la chanson habituelle du genre, un refrain familier, seul le Copley nous est inconnu. Heureusement, à aucun moment Sharlto n’est stone, et il incarne donc un Wikus imparfait, mais plaisant à suivre.
Pour en revenir au pitch, donc, la population sud-africaine, lasse de subir cette présence étrangère imposée, finit par voter FN… oups, par être effrayée et révoltée pardon ! C’est alors que les autorités sont contraintes, par le biais de la MNU (Multi-National United), d’exproprier les "crevettes" (prawns en VO), pour les camper à une vingtaine de kilomètres de là, et ainsi prévenir tout débordement, la cohabitation avec les humains s’annonçant de plus en plus difficile. Et c’est là qu’intervient un des éléments qui m’a le plus déçu. En effet, démarrer si bien, avec un pitch qui aurait pu être développé sur des strates humaines, politiques, qui seront finalement à peine effleurées, et poursuivre sur un déferlement d’action, certes bien faite (avec moult influences vidéoludiques), aura soulevé nombre de questions. Questions qui resteront, pour notre plus grande frustration, sans réponse. Quel dommage. Quoiqu’il en soit, la nature humaine, impitoyable, hostile, telle que montrée par Blomkamp, fait froid dans le dos.
"In the Game of Prawns, you win or you die."