Peter Jackson nous avait prévenu lors du dernier Comic-Con de San Diego : "Neill Blomkamp a un talent incroyable ! Il semble avoir été envoyé sur Terre pour devenir metteur en scène !". Un coup d'oeil à District 9 suffit à nous convaincre de nous ranger derrière l'un des plus célèbres barbus du septième art (entre Steven Spielberg et George Lucas).

A l'origine, le projet pour les deux hommes d'adapter sur grand écran le jeu vidéo à succès Halo. Microsoft bafouille, le studio fait grise mine : le budget requis est trop conséquent pour tremper le moindre orteil dans le plat. Au final, un scénario hallucinant qui rassemble à nouveau les deux hommes dans lequel il est question d'extraterrestres en transit sur notre bonne vieille planète bleue, précisément au dessus de Johannesburg. Bien mal leur en a pris, car la Terre recèle les pires monstres que les galaxies aient jamais vu naître : les humains. Car comment ne pas tracer ce parallèle entre l'apartheid et le sort réservé aux insectes géants même si le réalisateur, d'origine sud-africaine de surcroît, s'en défend parfois à demis-mots. C'est pourtant là que réside toute la prouesse du script qui réussit à revenir aux sources depuis longtemps taries de la science-fiction, dont le but premier a toujours été d'amener à nous faire réfléchir sur l'ordinaire par le biais de l'extraordinaire. District 9 est en effet un merveilleux outil de transformation du réel en imaginaire, et à travers une démarche esthétique et formelle captivante, il n'est pas rare qu'au coeur du film l'inverse soit également vrai.

L'approche documentaire des débuts confine au génie justement parce qu'elle empêche la bipolarisation entre réel et réalité, si bien que jamais les affres chimériques du récit ne nous ont paru aussi peu illusoires tant elles rejoignent les travers contemporains au point de leur donner une consistance en tout lieu palpable. Explosant au passage les conventions usuelles du genre imprimées par Hollywood, Blomkamp fait preuve d'une maîtrise et d'un discernement sans précédent pour accuser sans fustiger, parce que son histoire demeure avant tout une histoire et qu'en cela elle doit se dérouler sans perdre le temps nécessaire à surligner. L'habileté dont il fait preuve pour ancrer les événements narrés dans notre réalité fait par ailleurs jeu égal avec la tension si brillamment instaurée, le travail remarquable du directeur de la photographie Trent Opaloch n'étant pas étranger à cette réussite.

Il en est presque regrettable que sur la dernière demie-heure le film bascule lentement vers cette incapacité qu'ont parfois les bonnes idées à se transcender, car si la charge politique est virulente, elle n'en demeure pas allusive et peine à trouver la vigueur de la bouffonnerie de l'Humanité ici épinglée. Troublant de vérité et de sincérité, le réalisme des débuts se meut en solide série B qui fait perdre à l'allégorie sa force narrative sans pour autant cesser de convaincre et d'impressionner. Car pour peu que l'on en vienne à préférer être un Hexapode géant, il n'y a qu'un pas.

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le 20 mai 2012

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Kelemvor

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