Franchement, la parabole des problématiques sud africaines n’est pas ce qui m’a attiré ici, pas plus que leur redite sur Elysium. D’ailleurs, plus que ses défauts, je vois maintenant que Elysium partage plutôt les qualités de son ainé, pour son salut. Et au passage, je n’ai pas trouvé le scénario de Blomkamp plus intelligent sur District 9 que sur son dernier film, comme si se contenter de tirer sa dystopie d’une situation géopolitique ou sociale boursouflée suffisait pour faire d’un film de SF une œuvre intelligente. Tout juste D9 a-t-il le mérite de se montrer un poil plus cohérent.

La SF c’est aussi l’occasion de revoir les contours de la définition de l’humanité ; la mettre en corrélation avec un contexte particulier, par définition extraordinaire. Parce que comme dit l’adage : dans l’obstacle, on se révèle. Et là, on touche à quelque chose de bien plus intéressant qu’une démarche dénonciatrice à peine politisée qu’on voit venir avec de gros sabots.

Blomkamp réussit au moins cela : caractériser un personnage faisant écho au pire comme au meilleur de l’Homme.

Wikus (appelé Dickus à quelques occasions —irrésistible clin d’œil aux Monty Pythons) constitue à mes yeux l’une des réussites du film. Un personnage à l’écriture loin du manichéisme d’autres protagonistes de la plume du scénariste de Elysium, qui évolue au travers d’un panel large d’émotions et de réactions typiquement humaines, pour le meilleur comme pour le pire : crétin, trou du cul, enfoiré, ou véritable connard mais aussi aimant, capable de changer de point de vue, exprimer regrets et doutes, se montrer empathique (en se glissant littéralement dans la peau de l’autre), se sacrifier pour expier ses péchés et pourquoi pas ceux du reste de l’humanité pour sauver [les représentants d’]un peuple qu’il a appris à comprendre et aimer comme ses semblables.

Un Jésus super tard, quoi.

Après, contrairement à mes estimés éclaireurs, moi j’ai été bien plus convaincu et emballé par l’aspect action/SF, n’étant pas spécialement venu chercher un quelconque pamphlet géopolitique déguisé en film de genre. Donc, grosse marrade devant les effets de l’armement alien, gros panard avec l’exosquelette, bonne bourre devant les séquences d’action/infiltration/évasion. Mais bon point aussi pour l’évolution du personnage principal (au sens propre comme au figuré) et à la caractérisation de son complice prawn et son fils. Cette facette du récit rajoutant de la valeur humaine à l’œuvre.

C’est d’ailleurs là que se dessinent les frontières entre D9 et Elysium ; ce dernier n’étant convaincant que sur l’aspect techno-actionner là où le premier, avec les mêmes atouts pour moins cher, le surpasse en cohérence et en âme.

Faut dire qu’ici ça cachetonne moins, hein.

D9 s’est révélé être une bonne surprise en ce qui me concerne ; moins pour ses thématiques évidentes dont le manque de finesse couplé à une forme que je n’aime pas (le docu-fiction) m’avait auparavant découragé au bout d’une vingtaine de minutes, que pour ce qu’il offre en se dévoilant progressivement : une efficacité de genre, mais surtout une certaine humanité et notamment l’idée qu’elle puisse ne pas être l’apanage de l’être humain. Comme si ressembler à un homme ne faisait pas de nous des hommes, Être humain n’allant pas toujours de paire avec être humain. Revoir nos définitions du monde concret et de nos comportements, c’est aussi cela l’ambition d’un bon récit SF.

Un premier film bien plus intelligent pour sa simplicité fluide sous jacente que ses ambitions affichées. Tout l’inverse de son successeur.

Créée

le 20 déc. 2013

Critique lue 2.8K fois

54 j'aime

13 commentaires

real_folk_blues

Écrit par

Critique lue 2.8K fois

54
13

D'autres avis sur District 9

District 9
Gothic
7

Le Diamant du Neill

Mais alors brut, le diamant ! Depuis la sortie du premier film de Blomkamp, on m’a longtemps rebattu les oreilles sur ses qualités, de l’originalité de la forme à ses effets réussis, en passant par...

le 10 déc. 2013

80 j'aime

39

District 9
ackboo
9

Blah blah blah...

N'écoutez pas les blasés, les cyniques, les snobs et les intellos rive gauche qui estiment que ce film n'est pas à la hauteur de leurs standards. On peut regarder District 9 avec le petit doigt en...

le 4 janv. 2010

71 j'aime

20

District 9
Hypérion
7

Avec un thème pareil, pourquoi ne pas avoir produit une série ?

Disctrict 9, c'est un film de SF doté d'un pitch intriguant (des aliens ont débarqué il y a 28 ans et sont depuis parqués dans un bidonville, le fameux District 9, implanté dans les faubourgs de...

le 14 févr. 2013

70 j'aime

9

Du même critique

Gravity
real_folk_blues
5

2013 L'odysée de l'espèce di counasse...

Évidemment, un pauvre connard cynique comme moi ne pouvait pas ne pas trouver son mot à redire. Évidemment, si je devais me faire une idée de la qualité du truc au buzz qu’il suscite, deux options...

le 28 oct. 2013

285 j'aime

121

Divergente
real_folk_blues
1

Dix verges hantent ces lignes...

Ça fait un moment que j’ai pas ouvert ma gueule par ici. J’aurais pu faire un come back de poète en disant de bien belles choses sur Moonrise Kingdom, vu récemment ; mais non. Fallait que ça...

le 15 avr. 2014

272 j'aime

92

Upside Down
real_folk_blues
2

De quoi se retourner dans sa tombe...

J’ai trouvé une formule tirée de ce film à la rigueur scientifique inégalable : Bouillie numérique + histoire d’amour = Twilight. Je soustrait les poils de Taylor Lautner et je rajoute des abeilles...

le 30 avr. 2013

243 j'aime

39