Plus qu'une œuvre de cinéma, "Diva Dolorosa" est un travail de recherche dont le résultat s'apparente à un film. Mais pas plus. Peter Delpeut s'est embarqué dans un voyage aux origines du cinéma italien, au début du 20ème siècle, pendant la Première Guerre mondiale. "Diva Dolorosa" est en réalité le fruit d'un travail de montage, unissant une dizaine de films muets (réalisés entre 1913 et 1920) dans un seul mouvement avec pour point focal la figure de la diva. Mais ce qui pourrait s'apparenter à un simple processus de collage se transforme en une œuvre de fiction à la trame narrative nouvelle, presque indépendante des bouts qui la constituent.
La narration se fait très cohérente, sans pour autant être d'une fluidité parfaite — forcément, les actrices, les acteurs, les lieux, varient. Ou inversement. Mais de cette petite série de films émerge une narration nouvelle, suivant un schéma assez traditionnel de l'époque, le fameux rise & fall d'une femme des classes supérieures. Un mélodrame assez classique sur le papier, mais en quelque sorte transcendé à l'écran, avec tous ses passages obligés revisités : la passion amoureuse et charnelle, le doute, les remords, la cruauté, et toutes sortes de matière dramatique. Le style (thématique, mais aussi graphique) est censé trouver sa source dans la romantisme noir, un courant de la fin du 19ème siècle. La diva oscille dans ce cadre entre l'héritage de la bonne morale catholique et les aspirations nouvelles du siècle qui s'ouvre. Des thématiques progressistes assez fortes donc, entre amour, passion, et désirs d'indépendance. Une quête qui presque par définition la condamne à la souffrance dans la société traditionnelle de l'époque. Un travail intéressant, un peu confus mais résolument unique.