De l'art de faire pire, toujours et encore
Il y avait quelques espoirs au moment d'aborder le deuxième volet de cette licence sans queue ni tête qu'est Divergente, espoirs que je nourrissais : se pouvait-il qu'il y ait du mieux par rapport au premier ? Après tout, comment envisager qu'on puisse faire pire que la bouse de l'an dernier ?
Surprise ! Le film commence bien. Neil Burger a été viré (dans un bref instant de lucidité des équipes de production, sans doute), et remplacé par Robert Schwentke, qui avait fait un boulot correct sur Red. Le nouveau réal nous gratifie d'un plan séquence, ô joie, dés l'ouverture... Qui dure quinze secondes. Et c'est terminé. Après ce "moment de bravoure", Schwentke, écrasé par le cahier des charges (ou pas), oubliera que faire de la mise en scène fait partie de son job.
L'espoir éteint, on peut commencer le festival de la médiocrité. Le ridicule est atteint dés une des premières scènes : Tris, l'héroïne, se coupe les cheveux (elle arbore une coupe "à la garçonne" sur les affiches), geste qui n'avait ni besoin d'une scène ni d'une quelconque justification, et qui est au final gratifiée des deux, d'un flashback genre "je me coupe les tifs pour vaincre mes démons intérieurs" (véridique) et d'une musique qui fait peur et de corbeaux qui s'envolent, car les oiseaux ont peur des cheveux qui tombent, comme chacun sait. Première séquence dramatique, de haut vol (qui a dit tirée par les cheveux ?) Premier rire nerveux, donc.
Deuxième rire ? La trame scénaristique dans son entièreté. Dans ma critique du premier, j'avais expliqué que le postulat de base était bidon et ne tenait pas trois secondes, et en toute logique le développement sur ces bases l'est tout autant. En fait, c'est même mieux que ça : les scénaristes (et l'auteure, responsable du délit originel) réussissent à faire de l'incohérent avec du vide, ce qui à ce stade relève sans doute d'une forme de talent subversif.
Je m'explique. Mettons cela sous forme de dialogue, c'est encore plus criant :
Moi - En gros, la méchante nous explique pendant tout le film qu'il faut tuer les Divergents. Ok. Mais pourquoi ?
Un mec qui défend le film (appelons-le Régis) - Ils sont dangereux pour l'ordre de la société des factions.
- Ok, soit. Mais en quoi ?
- Ben, ils sont différents, tu vois, et genre, il y a un message, genre, quand t'es divergent, t'es hors cadre et...
- Ok, mais les sans-factions aussi sont différents, ils sont même carrément hors-systèmes, puisqu"ils n'ont pas de factions.
- Ouais mais...
- Les Divergents peuvent choisir leur faction, ils ne sont pas déterminés, mais ils sont quand même dans le système. Donc aucunement un danger. Le vrai danger, ceux qui remettent en question le déterminisme et le fonctionnement de la société, c'est les sans-factions.
- Ouais mais c'est des marginaux...
- Justement ! C'est eux les vrais rebelles, les mecs qui vivent dans l'ombre et peuvent lever une armée pour faire tout s'écrouler. Les Divergents ne mettent pas en péril l'ordre établi, au contraire ils sont polyvalents et parfaitement taillés pour. Il n'y a pas plus conformistes que ceux qui divergent en fait.
- Attends, quoi ? Non, mais non, tu réfléchis trop là, c'est qu'un film...
- Tu devrais t'y mettre aussi, Régis, ça te ferait pas de mal.
Bref. C'est donc autour de cette énième incohérence de fond que gravite une galaxie entière d'erreurs scénaristiques et faux-raccords hilarants, alimenté par un enjeu principal qui est un bien beau MacGuffin, témoin s'il en est du vide absolu de l'histoire.
La seule cohérence, le fil rouge, c'est la médiocrité. Là-dessus, le film a une avance considérable, c'est même un précurseur. Ratage niveau jeu d'acteur. Ratage des dialogues. Ratage des effets spéciaux (sans déconner, même ceux de Matrix, qui ont pris 15 ans dans les dents, sont plus crédibles). Ratage sur ratage, jusqu'au cliffhanger de fin.
Bon,voilà, ça va cartonner et générer un max de profit.
Et vu la came en question, je me demande si c'est pas ça qu'on appelle "faire de l'argent sale".