Divorce à l'italienne est un pur plaisir, concentré en 1h45, à mon sens articulé selon trois axes principaux. Le talent constant avec lequel ils sont respectivement traités explique sans doute l'étendue de la réussite :
- La comédie à l'italienne (dont le présent film est à n'en pas douter un jalon, un archétype), dynamique et cinglante, sans temps mort.
- La mise en scène, avec une gestion des images et des sons extrêmement soignée, au service du récit comique (un exemple parmi des dizaines, la voix off qui se fait couper la parole pour rentrer dans le droit chemin alors qu'elle se perdait dans des élucubrations existentielles), dans une symphonie parfaitement maîtrisée.
- Le contenu terriblement en phase avec son époque, nous rappelant, en 2017, que le divorce ne fut autorisé en Italie que suite au référendum de 1974. Pendant de nombreuses années, certaines dispositions juridiques existaient concernant les "crimes d’honneur", permettant à l'époux trompé de tuer la femme infidèle (ou supposée comme telle...) et de ne subir en conséquence qu’une peine légère. Ces petits aménagements judiciaires furent abrogés en 1981.


Un constat s'impose dès les premières séquences : Marcello Mastroianni tient une immense partie du film sur ses épaules, c'est l'exemple-type du personnage-charpente, artisan de la réussite ou responsable de l'échec selon les cas. Cet acteur est incroyable, sa première apparition délectable. Une fine moustache, des cheveux gominés, un fume-cigarette et un tic buccal comme gimmick tenace : le portrait en lui-même fait mourir de rire dès qu'on l'aperçoit dans le train. Tout le film s'articule autour de son désamour pour sa femme (qui excelle dans l'insupportable, soit dit en passant) et de son désir pour sa jeune cousine Angela, les deux sentiments évoluant en parfaite opposition. L'amour qui enfle est un puissant attendrissement, tandis que le désamour qui enfle tout autant est le carburant du meurtre. Le divorce étant illégal, il met un place un stratagème abominable pour assassiner "légitimement" (comprendre dans un cadre législatif qui autorisait la clémence) sa femme en la jetant dans les bras d'un homme judicieusement choisi : c'est aussi moralement scandaleux qu'hilarant dans la satire sociale qui s'en dégage. La dénonciation teintée de cynisme ne fait aucun doute de la part de Pietro Germi.


Le film enchaîne les coups d'éclat avec une fluidité déconcertante. La scène où les amants s'enfuient alors que toute la ville est rassemblée pour regarder La Dolce Vita (sorti l'année précédente, avec le même acteur principal : Mastroianni dans le film regarde Mastroianni jouer dans le film projeté dans le film) est à se tordre de rire. L'hypocrisie de toute la société italienne est en outre étalée au grand jour, avec l'église et la mafia main dans la main pour couvrir les crimes censément passionnels et à ce titre "justifiés", ils sont les premiers à dénoncer le scandale du sulfureux Fellini (et de la non moins sulfureuse Anita Ekberg...) tout en se rinçant l'œil allégrement au passage.


Pietro Germi disait lui-même "le mot divorce fait plisser le front des Italiens, comme le mot nègre pour les Américains, le mot colonie pour les Français ou le nom Staline pour les Russes. Chez nous, le mariage est indissoluble. Il est tabou, comme les fétiches pour les polynésiens." Le talent du cinéaste et des auteurs réside dans leur capacité à faire naître un sentiment minimal d'empathie pour le protagoniste, au-delà des aspects purement comiques (séquences à se tordre de rire où il imagine comment se débarrasser de sa femme, dans des sables mouvants, dans une fusée, victime d'une balle perdue, etc.), lui, le vil salaud aux plans machiavéliques qui n'aura même pas le dernier mot. Pas même sur un bateau de plaisance, dans un cadre idyllique : rien ne résiste à l'épreuve du mariage, semble nous dire Germi comme mot corrosif de la fin.


Cinq ans plus tard, il tournera Ces messieurs dames (Signore E Signori), encore plus brut, encore plus brutal.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Divorce-a-l-italienne-de-Pietro-Germi-1961

Morrinson
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le 2 août 2017

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Morrinson

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