Grandir à dix-sept ans

Ce qui frappe directement, en regardant le documentaire de Didier Nion, c'est la distance et la relation qu'il entretient avec son sujet et son acteur, Jean-Benoît Durand. Le qualificatif est sans doute éculé, mais il y a quelque chose de profondément touchant dans l'attention que le réalisateur lui porte, à lui, gamin en échec scolaire, la tête plein de rêves mais incapable de prendre le chemin qui le conduira à destination. Le rêve en question, c'est le métier de mécanicien et tout ce qui tourne autour des camions, et le chemin pour y parvenir se matérialise dans les deux années précédant l'examen et le diplôme du BEP.

Mais comme il le dit très bien lui-même, c'est le bordel dans sa tête. Jean-Benoît fait partie de ces jeunes (de 17 ans, donc) qui se cherchent un peu, à un moment fragile de leur vie, à une étape charnière de leur scolarité. "Dix-Sept Ans" fait clairement le lien entre l'échec scolaire, avec toutes complications qui gravitent autour d'une telle situation, et la situation familiale catastrophique de l'adolescent. Violence physique et morale liée au suicide du père et le placement en foyer, difficultés de communication avec sa mère, etc. : c'est le quotidien difficile d'un gamin paumé mais étonnamment conscient que Didier Nion a suivi pendant deux ans. Un gamin en quête évidente de reconstruction, pour oublier son passé, pour s'en libérer et prouver aux autres autant qu'à lui-même qu'il en est capable, une quête personnelle que le documentaire illustre par sa formation et son apprentissage.

À de nombreuses reprises, on sent dans les interventions de Didier Nion la désolation d'un père devant un tel "gâchis", celui d'un ado à deux doigts de foutre sa vie en l'air, un ado à qui il ne manque pas les rêves, seulement le chemin qui lui permettra de trouver sa place en société. Tout cela renforce la dimension intime de la relation entre les deux, au-delà des remarques paternalistes de l'un et des accès de colère de l'autre. Une relation intime et touchante jusqu'à brûler la pellicule en toute fin (heureuse) de docu.

[AB #110]