Les gens gobent tout ce qu'on leur donne
Pessoa a écrit : "Dans le poulailler qu'il ne quittera que pour mourir, le coq chante des hymnes à la liberté parce qu'on lui a donné deux perchoirs". Je suis parvenu à faire un rapprochement avec l'évolution de Tarantino : dans ce milieu du cinéma populaire duquel il ne peut s'évader sans satisfaire pleinement le public (c'est son dernier film, du moins c'est ce qu'on dit pour le moment), on lui a laissé ce simple choix, néanmoins cocasse, quant à la qualité du film, c'est-à-dire qu'il ne s'est pas vraiment démené pour réaliser cette "oeuvre de l'année".
Plutôt que de créer quelque chose qui aurait pu surprendre, satisfaire les amateurs du bonhomme depuis ses débuts, il a préféré laisser pousser le poil doré qu'il a au creux de la main : "Django Unchained", c'est un énième western, à propos d'une énième histoire de vengeance, avec le thème rongé jusqu'à l'os de l'esclavage, en ajoutant cependant sa petite touche à lui, son aura particulièrement salvatrice ("Inglorious Basterds" ne vaut pas grand chose à mes yeux sans ladite aura, nul besoin de développer, les arguments sont les mêmes que ceux énoncés dans cette critique). Il s'est contenté de ponctuer son non-film de dialogues d'ambiance, toujours ces mêmes répliques supposées cultes, en faisant jouer les grands pour rendre l'atmosphère toujours plus "spectaculaire" ; il a utilisé des techniques de caméra connues par n'importe qui ayant déjà regardé des westerns (hommage, mon cul), en multi-référençant chacune des scènes (hommage, mon cul) ; il s'est servi d'une bande-originale hors-du-commun pour impressionner le spectateur lambda ; les scènes sanguinolentes sont calquées sur celles de "Kill Bill" ; tout cela porté par un scénario extrêmement pauvre & bouclé par un final des plus classiques.
Tout n'est évidemment pas à jeter dans ce film, mais les éléments intéressants ne sont pas légion... On peut glorifier la beauté des décors, le jeu d'acteurs chaque fois déterminant dans le cinéma du bonhomme. On peut aussi s'extasier devant les références, s'amuser à les reconnaître. On peut interpréter certains détails subtils, comme le sang qui ne paraît être qu'une bouillie pleine de pus & de filaments charnels, symbole représentatif de la pourriture envahissant les âmes de ces américains pervertis. J'ai particulièrement apprécié la scène du nègre dans l'arbre, avec ce Django impassible, cette barbarie des hommes rappelant celle des nazis dans "Idi i Smotri".
J'en attendais bien plus de ce prétendu chef-d'oeuvre du "grand" Tarantino, mais je ne vois plus ce dernier que comme un cinéaste se reposant sur ses acquis (depuis "Boulevard de la mort"), préférant le succès global à la qualité ou la créativité. Pot-pourri indigeste de presque trois heures, "Django Unchained" ne mérite pas à mon humble avis tout ce succès qu'on lui accorde (oui je commence à en avoir assez qu'on me tabasse les tympans de "olala Inception/The Avengers/Django/whatever c'est troooooop bien, impossible de ne pas aimer"...), même s'il reste toutefois un agréable divertissement à l'humour saugrenu.