On retrouve dans Django la même mise en scène variant entre ses habituels clients d'oeil au cinéma de genre des années 70-80, zoom à tout va (très présents au début du film mais s'atténuant par la suite), caricature des personnages d'emblée (pour ensuite leur donnée une profondeur), et quelque chose d'infiniment plus classique, de plus posé, de plus profond sans pour autant oublié son crédo de fun, de drôle, de crash aussi et d'hyper référentiel. Cette patte qu'on avait découverte dans Inglorious Bastard, déjà pleine de maturité, a grandit depuis et explose dans Django. De la finesse qu'exige le sujet, on a du mal à la trouver au début, et pourtant dès que le film décolle tout y passe, le Ku Kux Klan, (dans une scène monumentale), la ségrégation intégrée dans une séquence des plus drôles du film, pour arriver à la fin au plus sordide, à une véritable exploitation, où l'on voit le pire qu'a engendré l'esclavage.

// SPOILER //

A partir du moment où l'on entre dans la demeure de Candy (le Candyland, nom qui m'a évoqué bien évidemment Candyman, et dévoile encore une fois le génie de Tarentino pour un humour détonnant, et surtout déroutant par moment), le rire devient jaune, car les images que nous dévoile Tarentino toujours piquante ont cependant entraîné le spectateur dans la peau d'un esclave. On ressent leur douleur, on perçoit leur humiliation répétée, (la scène où ils découvre le dos de Hildi est d'une force poignante). C'est toute la force du film, de nous entraîné plus loin, en usant de l'humour pour nous amadouer, détruire nos défenses de spectateur, afin de nous placer à un endroit infiniment gênant, humiliant et douloureux qui est dans la tête d'un esclave deux ans avant la guerre de sécession.

Magistral, Django Unchained est sans nul doute le film le plus abouti de Tarentino, le plus complexe aussi car s'il prend son temps pour dévoiler chaque ressort, chaque émotion, chaque personnage, un peu à la manière d'un Nolan, il n'oublie cependant jamais son spectateur, lui offrant tour à tour, humour, plus ou moins acide et tranchant, action, et parfois une réflexion aussi mais jamais il ne s'y attarde, jetant touche par touche l'élaboration d'un plaidoyer pour l'égalité des hommes et d'une réflexion des plus approfondie. L'intelligence de Tarantino, est d'amener les spectateurs à se glisser dans la peau de Django, un héros vengeur certes, mais qui peut s'avérer aussi froid et cruel que les ennemis qu'il affronte pour atteindre son but.

Que dire du casting tout bonnement à tomber? On retrouve dès le début Christopher Waltz, qui avait déjà tiré la couverture à lui dans Inglorious Bastard, et joue ici le total contraire de son précédent rôle, à savoir un docteur allemand dont l'humanité va être contrariée par ses rencontres et surtout la confrontation avec Django, qu'il libère et décide d'aider car se sentant responsable (scène où il décrit ce sentiment est d'ailleurs d'une justesse et d'une sincérité rare au cinéma), mais c'est surtout en étant confronté à Calvin Candie, Leonardo Di Caprio qui est absolument parfait dans son premier rôle de méchant, peignant le portait d'un abominable propriétaire aux penchants morbides pour des combats d'esclaves, terrifiant en homme enfantin dans ses penchants morbides (ses yeux pétillant comme ceux d'un enfant quand il contemple le combat d'esclave), mais qui ne serait sans doute rien sans son maître d'hôtel campé par Samuel L. Jackson plus acide encore dans un personnage des plus détestables et cependant marquant du 7e art, généralissime dans le rôle de l'esclave ayant réussit se montrant plus abominable encore avec les siens que son maître.

Un vrai tour de magie, Django dévoile un réalisateur mûr, capable à la fois de s'amuser, de faire rire, sans oublier sa patte, ses références et son amour pour le 7e art jamais déçu, et en même temps rivalisant de profondeur, de justesse, d'humanité, et piquant dans le vif, emportant le spectateur toujours plus loin. Mais le véritable tour de force n'est-il pas de s'attaquer à un sujet si délicat que bien peu de cinéaste s'y sont frotté? Abordé toute la question de l'esclavage ainsi que ses retombées, le racisme bien sûr, la ségrégation et son héritage encore malheureusement présent en Amérique, dans un genre cher à Tarantino, à savoir le Western, voilà quelque chose de pour le moins inattendu, mais des plus succulents à découvrir.
Sophia
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le 19 janv. 2013

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le 19 janv. 2013

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