Un plaisir grandement partagé !
Il en aura fallu du temps pour que Quentin Tarantino, réalisateur du mythique Pulp Fiction, nous livre enfin son western ! Genre du cinéma dont les ébauches se faisaient déjà remarquer dans son précédent Inglourious Basterds. En prenant comme référence Django (jugé comme l’un si ce n’est le western le plus violent de l’histoire) et un casting aux milles étoiles, Tarantino est-il parvenu à faire de son plaisir d’antan un véritable film à la hauteur des attentes ?
En 1858, dans le Sud des États-Unis, quelque temps avant la guerre de Sécession, un ancien dentiste allemand reconverti en chasseur de primes, le Dr King Schultz libère Django, un esclave, et le forme afin de lui permettre de libérer sa femme des mains de Calvin Candie, un riche et impitoyable propriétaire terrien du Mississipi.
Qu’est-ce que je peux dire du côté du scénario ? Franchement, de mal, il n’y a rien ! C’est un film réalisé par Quentin Tarantino, c’est donc du pur Tarantino de ce côté-ci ! A part que Django Unchained ne se divise pas en chapitres et que le film ne se concentre que sur le duo principal et non sur un ensemble de trames parallèles. Sinon, du cinéaste de Pulp Fiction et autre Kill Bill, on y retrouve tout ce qui fait la force de sa filmographie. A savoir des personnages à l’incroyable charisme, approfondis alors que l’on pouvait penser le contraire (le long passage où Django doit se faire passer pour un cruel négrier en est le parfait exemple). Une histoire qui fournit son long de moments d’anthologie, avec des longueurs divertissantes grâce à des dialogues captivants au plus haut point. Sans oublier l’humour propre au réalisateur, qui lui permet de livrer des répliques d’une exquise jouissance, des antagonistes au charme fou (Calvin Candie et Stephen entre autres) et des situations diablement loufoques (l’attaque Big Daddy retardé par une histoire de masques). Mais également, Tarantino, par le biais de Django Unchained, en profite pour bien insister sur la place des Noirs dans la société américaine (du moins, à l’époque) en ne faisant que mettre sur le devant de la scène le statut d’animal de ces esclaves. C’est d’ailleurs pour cela que Django provient de ce milieu, pour renforcer cet attrait captivant et dénonciateur d’un cinéaste qui, sur le papier, ne pense qu’à offrir de l’amusement. En d’autres termes, Django Unchained est une véritable perle scénaristique, qui se nourrit aussi bien de ses illustres prédécesseurs que du cinéma de son auteur.
Et il est heureux de voir que Tarantino s’est gracieusement bien entouré pour son film. En piochant d’une part dans ses habitués. Ainsi, il n’est pas étonnant de revoir Christoph Waltz (révélation d’Inglourious Basterds), qui nous sert ici un Dr Schultz irrésistible. De par ses manies, ses grands gestes, sa classe, son parler et sa moralité. Une sorte de colonel Hans Landa qui serait passé du bon côté ! Et surgissant de là où on ne l’attendait pas, Samuel L. Jackson (Pulp Fiction, Jackie Brown, Kill Bill 2) est tout simplement méconnaissable ! Et cela, il ne le doit pas seulement à son maquillage vieillissant mais surtout à son talent que l’on croyait éteint (tant l’acteur accumulait les seconds rôles dans des films d’action sans génie). Du côté des nouveaux, la famille Tarantino est fière d’accueillir un Jamie Foxx au top de sa forme mais surtout un Leonardo DiCaprio. Ce dernier, dans un rôle à contre-emploi, s’amuse comme un petit fou avec délice, prouvant qu’il est comme une bouteille de vin : plus il vieillit, plus il est meilleur !
Même du côté technique, Django Unchained est un pur produit Tarantino. Que dis-je ? Une pure œuvre signée Tarantino ! Car, si l’on pouvait redouter un manque de création vis-à-vis du genre, le réalisateur use des clichés propres au western spaghetti pour mieux se les approprier et en tirer un long-métrage grandement personnel. Des plans clichés (héros prêt à dégainer face caméra, ombres et silhouettes filmées au ralenti, paysages mis en valeur…) que capte sa caméra, avec la plus grande classe qu’il soit, offrant à chaque image une ampleur imaginable ! Notamment du côté de l’action et des fusillades, où le cinéaste semble se distraire à peindre en rouge des éléments clairs (coton, cheval blanc, murs… même l’affiche du film s’y prête !) et à ne rien cacher de la violence des séquences (ça tripaille à tout va !). Sans omettre, qu’une fois encore, Tarantino a su donner à ce film une bande originale de l’originalité (justement) et une formidable adéquation avec les situations. Bref, une mise en scène qui rend le tout spectaculaire, sans jamais rester dans l’incontournable piège de l’hommage perpétuel.
Vous l’aurez compris : Django Unchained est une très, très grande réussite ! Il peut même se présenter comme étant le plus grand moment de cinéma que puisse nous offrir Quentin Tarantino, le cinéaste dépassant de loin toutes les attentes envers son bébé. Il en aura fallu du temps pour qu’il nous livre son western. Cela valait le coup ! Jouissif, fun, divertissant, intelligent, artistique, très bien interprété… Tarantino a réussi son pari : réaliser son plaisir de longue date pour nous offrir du plaisir aux petits oignons ! Cela va être dur de trouver un film à la hauteur en 2013 !