Peu de films étaient aussi attendus que celui-ci, le western s’il survit encore tend à se raréfier, chaque nouvel épisode du genre ravit donc les fans. On sentait que Tarantino avait cette influence dans son cinéma, Kill Bill étant plus proche du western spaghetti que du film d’arts martiaux. Tout était fait ici pour nous faire saliver, trailers alléchants, distribution convaincante avant même de voir les acteurs au travail, l’espoir de revivre enfin les moments d’extase de la grande époque du genre apparaissait.
N’en déplaise aux puristes, on reste chez Tarantino avec tout ce que cela comporte de vision personnelle du genre. Il commence par délocaliser (méchant homme !) son film vers les Etats-Unis esclavagistes, fini donc le sud désertique et latin. Il traite ici d’une des pires pages du pays et ne s’encombre d’aucune fioriture pour montrer quelle était la condition des esclaves, le traitement du sujet est brutal et légitime totalement les agissements des deux comparses tueurs à gages et associés par les circonstances.
D’un côté Django (Jamie Foxx impeccable en dur à cuire stoïque), esclave affranchi par le Dr Schultz (Christoph Waltz terrifiant dès qu’il sourit) et qui part à la recherche de sa chère et tendre, battue, fouettée et vendue par trois frères qui ne jouissent qu’en voyant souffrir un nègre. S’en suit un long western façon road-movie qui surprend, amuse souvent et retrouve le grand souffle des épopées sauvages et viriles que nous avions tant aimées.
Car tout y est, les personnages ambigus, l’humour, l’héroïsme, le panache, la violence sans oublier la lenteur bref, tout ce qui a su transformer ce genre à part du western en fable mythologique. Comme on reste chez Tarantino, les morceaux de musiques urbaines, mais aussi de Johnny Cash (merci!) alternent avec la partition de sa majesté Ennio Morricone. Personne d’autre n’était mieux placé que lui pour cette musique et, si elle ne restera comme sa plus grande création, elle est idéale pour achever de récréer cet univers fait de cowboys en acier trempé, de poussière, de femmes fatales et faciles, de regards qui tuent tout autant qu’un revolver.
Christoph Waltz, comme toujours, est absolument magistral en chasseur de primes tout aussi violent que ceux qu’il chasse, mais qui a la chance d’avoir la loi de son côté. Il est surprenant, totalement imprévisible et lorsqu’il se met à sourire de ce sourire plein de m(f)iel, on s’attend à voir une explosion de violence dans la minute qui suit. Tout autour de lui gravitent des acteurs en état de grâce, de Don Johnson (trop peu à l’écran), en passant par Jamie Foxx ou encore Leo DiCaprio, absolument divin quand il grille tous ses fusibles d’un coup. Mais tout de même, petite déclaration d’amour à un Samuel L.Jackson méconnaissable et proche du génie dans le rôle de Stephen, âme damnée de DiCaprio. Il signe là une de ses meilleures prestations et reste glaçant longtemps après la fin du film en interprétant un esclave noir plus négrier qu’un blanc.
Quentin Tarantino a donc réussi le pari de réanimer le western spaghetti, il signe un film plein de tempête, de culot et de classe. On est porté par les enjeux des personnages, par une musique qui donne encore plus de souffle, les méchants sont très méchants, les crasseux sont très crasseux, les crétins sont de sombres crétins et les gentils…ne le sont pas complètement. Les coups de feu pleuvent et les héros ont des cojones grosses comme des pastèques. Que dire sinon que ce film c’est du plaisir, de la jouissance avant d’atteindre l’extase ? Vous en voulez ? Servez-vous !