Dans le Sarajevo d’après guerre, la transition qui dure depuis seize ans est toujours en cours, incapable de s’achever et engendre une société mutante et impuissante, marquée par l’injustice, la violence et la corruption. Rahima, 23 ans, et Nedim, son jeune frère de 14 ans, sont des orphelins du conflit, laissés-pour-compte, abandonnés à eux-mêmes. La sœur, qui travaille dans la cuisine d’un restaurant aux mains d’un patron mafieux, s’est convertie à l’islam, porte le voile et espère que son jeune frère turbulent et peu contrôlable lui emboitera le pas.

Perpétuellement en mouvement, ne s’apitoyant jamais et affrontant toutes les péripéties sans aucune plainte, Rahima fait sans conteste partie de la famille des héroïnes comme Rosetta (les Dardenne en 1999). Difficile de ne pas s’y référer quand on découvre une mise en scène très organique filmée caméra à l’épaule et en plans-séquences. L’environnement glauque et miséreux de Sarajevo n’a certes rien à envier à celui de la Belgique. Les stigmates de la guerre y sont bien sûr nombreux, attestant de la lenteur du pays à se reconstruire. Là s’arrête néanmoins la symétrie car Aida Begić ne réussit pas à développer une dramaturgie captivante, ébauchant juste une succession de problèmes dans le quotidien de Rahima (bagarre de Nedim avec le fils d’un puissant ministre, découverte des trafics de Nedim et menaces multiples, de l’assistante sociale à la police) qui ne sont jamais approfondis. La réalisatrice bosniaque de Premières Neiges reste en superficie. On serait tentés d’ajouter qu’à l’image de son héroïne elle tourne en rond et n’amène pas en conséquence son récit sur un terrain moins meuble.

Pourtant l’idée de montrer que la vie était plus humaine, solidaire et peut-être simplement plus belle pendant la guerre qu’à présent, où la perspective d’un meilleur avenir et l’espoir sont absents et remplacés par la mise en valeur de la malhonnêteté et de la débrouille, était en soi intéressante. Les flash-back rares et courts qui ponctuent la narration témoignent du passé traumatique de Rahima, en interrogeant du coup sa capacité à recouvrer son humanité. En dépit de sa gravité, Djeca Enfants de Sarajevo se veut optimiste en croyant à la possibilité des liens recréés entre la sœur et le frère. Dommage que le film, tellement agité qu’il en devient fatigant, ne se soit pas davantage étoffé et n’ait pas dépassé les règles usuelles du genre, déjà largement représenté.
PatrickBraganti
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le 21 mars 2013

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