Spike Lee fait beaucoup de bonnes choses

Pour commencer, je me permets de faire un rapide résumé. Do the right thing est un film état-unien sorti en 1989 et réalisé par Spike Lee. Le film prend place le temps d’une journée, dans le quartier de Bedford-Stuyvesant à Brooklyn, arrondissement de New York City qui est alors pris dans un épisode caniculaire dont le réalisateur va se servir pour exacerber les tensions, surtout inter-ethnique, au sein de ce quartier et faire un tableau de la vie des habitants pour finir le soir sur une explosion de ces tensions et la mort d’un personnage.

Un peu de contextualisation: Spike Lee est un réalisateur noir né dans l’Etat de Géorgie mais ayant grandit dans un quartier de Brooklyn. Issu d’une famille aisée culturellement (sa mère est professeur d’art et son père musicien), il fait des études de cinéma à la prestigieuse école de cinéma Tisch School of the Arts.
Il consacre l'essentiel de sa filmographie à la question des noirs aux Etats-Unis. Son cinéma est ainsi imprégné d’un mélange culturel. On peut le voir dans Do the Right Thing, avec des citations issues du cinéma classique, comme La Nuit Du Chasseur, où le personnage de Radio Raheem reprend une partie du monologue du révérend Harry Powell sur la lutte entre la haine et l’amour. Mais le réalisateur reprend aussi des éléments de la culture populaire et afro-américaine, ainsi il demandera au groupe de rap Public Ennemy, controversé à cause de ses critiques du système, d’écrire une musique pour le film: Fight The Power. Le film peint la même époque qu’au moment où il à été tourné, alors que la ségrégation avait pris fin 20 ans plus tôt. Il est dédié à plusieurs noirs états-uniens qui ont été tués par la police, il y a ainsi de grandes tensions politiques sur le sujet des bavures policières, le film s’inscrit dans un courant de protestation.

Je peut relever dans le film 3 grands axes :
Premièrement, Spike Lee cherche à retranscrire la vie dans les quartiers de Brookline, où il a grandi, on apprend ainsi dans le making off que les figurants ont été choisis sur place. Le générique transcrit lui aussi cette aspect, avec une police d’écriture très marqué de la fin des années 80, la musique de Public Enemy et la danse de Rosie Perez sont eux marqué de cette culture de la rue, qui est d’ailleurs le décorse de cette introduction de près de 4 minutes. La scène d’ouverture est un dézoom qui part d’un studio de radio pour ensuite cadrer sur le quartier et ses habitants, ce qui rend la musique intradiégétique et donne une impression de proximité entre tout les éléments du film. Effet renforcé par un chiasme, le film commence en effet sur la station de radio puis l'ouverture de la pizzeria, et termine par la destruction de celle-ci et d’une diffusion de la radio sur un dézoom progressif du quartier comme si on quittait cet univers. La vie est aussi retranscrite par l’utilisation du langage de la rue. Le premier personnage blanc filmé est présenté à bord d’une cadillac, cela marque la différence social entre les gens qui sont dans ce quartier et ceux qui n’y vivent pas.
Ensuite, le titre du film qui peut être traduit par “faire la chose juste” fait référence à deux citations présenté au début du générique de fin, l’une de Martin Luther King, qui, face à l’injustice raciale aux Etats-Unis, prône la non violence, contrairement à Malcolm X qui lui estime que la violence est nécessaire dans certains cas, ce dilemme étant cristallisé dans le monologue de Radio Raheem, et de la lutte entre la haine et l’amour. Bien que Mookie ai l’aire de choisir la haine à la fin du film en lançant une poubelle dans la vitrine de la pizzeria, Spike Lee ne choisis jamais vraiment de parti et à déclaré dans une conférence sur le film que pour lui, son rôle en tant que cinéaste était de “présenter les problèmes pour que la discussion puisse commencer”.
Spike lee explore enfin l’identité noir à cette époque et ce que cela implique. Ainsi, il oppose deux générations et visions de la question noir dans une scène de dispute. D’un côté se trouve le personnage du maire, qui tente de copier les blanc en s’habillant comme un blanc des années 40 et en s’auto-proclamant “maire”, rôle quasiment exclusivement détenu par les blancs à cette époque, il prendra aussi la défense de Sal et des policiers lors de l’incendie de la Pizzeria. Cette pensée assimilationniste rentre en opposition avec la vision intégrationniste des jeunes de cette époque, qui ont grandi avec l’héritage des luttes de Martin Luther King et de Malcolm X. Ils ont leur propre culture vestimentaire, linguistique et musicale. Cependant, dans la première scène ou apparait le personnage de Smiley, cet héritage est tourné en dérision: Smiley est filmé en contre plongée et devant une église, ce qui lui donne une allure de prêtre blanc (à l’inverse des prêtres noirs qui sont plus proches généralement de leurs paroissiens), cela décrédibilise la lutte de Martin Luther King, effet enfoncé par le bégaiement de Smiley.
Lee défini aussi l’idée d’être noir avec une idée d’opression sociétal permanente. Ainsi, un vendeur coréen, pour faire comprendre qu’il est lui aussi victime des injustices des blancs, va crier à la foule présente “i am black”, cela peut faire pensser à l’essai Nègre Blanc d’Amérique du québécois Pierre Vallière publié en 1968 où il comparait son sort de francophone au Canada à celui des noirs aux Etats-Unis.
Cette oeuvre souhaite être un manifeste de la question noir aux Etats-Unis en 1989 (le réalisateur sera d’ailleurs très ennervé de ne pas recevoir la Palme d’Or) autant en montrant la culture, que les problèmes de cette communauté. Le film est ainsi dédié aux victimes noires de violences policières.Spike Lee fera d’ailleurs sur les réseaux sociaux un hommage à Georges Floyd, noir état-unien tué par la Police, en citant son film. Le film veut se place en tournant entre d'un côté une culture noir qui tente de copier la culture blanche comme avec la Blaxploitation, film de genre immitant les films avec des blancs mais avec des casting presque exclusivement noir des années 70, et de l'autre l’affirmation de cette culture, les années 90 voyant un fort développement d'une culture afro-américaine comme le rap (que l’on apelle aujourd’hui rap Old School)
Ce films à eu des échos dans la société de son époque, le film à été très bien reçu tant par la critique que par le public, bien que certains critiques blancs l’ont accusé de promouvoir la violence. Il fera sont entrée en 1999 au National Film Registry de la bibliothèque du congrès des Etats-Unis. Il fut nommé à Cannes, et n'y remporta aucun prix. Encore aujourd’hui, le film est très apprécié, en témoigne la facilité avec laquelle les différents extraits du film sont trouvables sur youtube. Ceci étant explicable par le fait qu’une partie de son message, notamment sur les violences policière, est encore d’actualité aujourd'hui

En conclusion, Do The Right Thing est un film qui oeuvre dans beaucoup de domaines, cela en fait son point fort et son point faible: d’un côté il raconte une histoire d’une montée en tension, mai celle-ci est cassé par la multitude de portraits présentés, et d’un autre côté, l’effet “trombinoscope” archétype est cassé par le fait qu’il s’agisse d’acteurs qui jouent un rôle et qui ne viennent pas forcément de ce quartier, contrairement à ce qu’on peut trouver dans le cinéma de Bruno Dumont par exemple. C’est cependant un excellent film, et la sincérité qu'y insuffle Spike Lee le fait ressortir par rapport aux autres productions du réalisateur, tel que BlacKkKlansman qui s'égare entre fiction et retransmission de la réalité. Une des scènes les plus marquantes est probablement l’énumération des stéréotypes racistes, qui coupe en plein milieu du film et sonne comme un cri de colère enfouis des personnages, en témoignant du fait que ces tensions sont ancrées très en profondeurs

Pompidor
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le 12 août 2022

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Pompidor

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