Le bide – immérité – de son Les Derniers Jours de Pompéi en 1935 n’arrête pourtant pas le pionnier Schoedsack, qui enchaîne dès 1937 avec le doublé Trouble in Morocco et Outlaws of the Orient (deux films a priori jamais sortis en France et sur lesquels je ne parviens pas à mettre la main – si quelqu’un a un tuyau, je suis preneur) puis revient en 1940 avec ce Docteur Cyclope, qui n’est rien d’autre que le premier film de SF tourné en Technicolor – procédé alors en vogue et réservé aux films à grand spectacle.
Un pitch (un savant fou qui contrôle la radioactivité décide de miniaturiser des humains) qui vend du rêve, un décor (un laboratoire au fin fond de la jungle amazonienne avec son puits de radium dans le jardin) qui sent bon le dépaysement, et une tête d’affiche (Albert Dekker options crâne rasé et culs-de-bouteille) parfaitement grimée en bon psychopathe : ce Docteur Cyclope avait clairement tout pour (me) plaire, a fortiori entre les mains du compétent Schoedsack – son éternel compère Cooper officiant en outre à la production.
Pourtant, je dois bien avouer être resté un petit peu sur ma faim. Alors, entendons-nous bien : d’un point de vue technique, le film est une franche réussite, qui, 82 ans après sa sortie, continue d’imposer le respect. Les trucages sont très convaincants et rendent aujourd’hui encore particulièrement bien (d’autant que le film est en couleur), justifiant à eux seuls le visionnage du film. Les jeux d’échelle sont impeccables et toutes les scènes où les héros miniaturisés évoluent au milieu de décors et d’accessoires géants (construits en dur) sont amusantes comme tout. Et leurs interactions avec le famoso docteur Cyclope aussi ludiques que dans King Kong sept ans plus tôt – sauf que le géant est ici sensiblement moins poilu puisque humain (et chauve, qui plus est).
Seulement, je trouve que le film n’exploite pas à fond son concept et (pour s’en tenir à ce qu’il y a à l’écran) certains des éléments qu’il met en scène : je pense en particulier au cheval miniaturisé (qui ne sera hélas jamais chevauché par l’un des humains une fois miniaturisés) ou au chat noir (devenu géant aux yeux des humains miniaturisés, avec qui les interactions seront hélas on ne peut plus fugaces). J’aurais adoré voir l’un des mini-humains chevaucher le mini-cheval pour échapper au Docteur, ou soyons fou, au chat ! Et pourquoi pas les faire croiser la toile d’une araignée ou le nid d’un rapace. Le film aurait pu être tellement plus généreux et drôle... Les interactions avec les décors/objets sont là (et sont réussies) mais le film manque clairement d’interactions avec les vivants. Il y avait pourtant le savoir-faire technique…
Finalement, c’est le crocodile qui constitue la principale menace animale du film et le passage n’est même pas particulièrement inspiré.
Du coup, je suis assez mitigé. Je trouve que le film est techniquement très réussi mais qu’il n’exploite pas à fond son concept, qui vend pourtant du rêve. Ça se regarde sans déplaisir, c’est juste stimulant ce qu’il faut pour ne pas être chiant, mais ça gâche clairement son potentiel à mes yeux. Dommage… !
Double peine, puisque le film – fort d’un budget conséquent de 700 000 dollars – sera une déception commerciale, qui marquera un coup d’arrêt à la carrière de réal de Schoedsack. Qui ne reviendra qu’en 1949 (soit neuf ans plus tard !) avec une relecture grand public de son plus gros succès commercial – King Kong : Monsieur Joe.