Une vieille dame cadavérique, ainsi qu'un enfant s'enfermant avec elle pour mieux l'enfermer en son esprit, courageux et phobique, cette témérité qui fait avancer les yeux fermés et courir dans le monstre, l'enlacer, puant. La peau molle.
Stephen King, cinématographiquement, est ce scénariste de terreur (si l'on compte que le livre adapté constitue un pré-scénario à l'adaptation), qui fait mouvoir un imaginaire de l'horreur, jouant incessamment sur les mêmes inconnues : inconnue de l'enfance, inconnue du monstre, inconnue de l'hôtel, etc. C'est aussi un "écrivain milliardaire" pour citer le poète.
As a child. C'est ce qui revient souvent quand il est amené à parler de lui. Il se donna à écrire deux mille mots par jour (Ecriture : Mémoires d'un métier) et les pages s'accumulant, il accoucha d'une œuvre immense, celle du graphomane devenu boulographe. Il s'agit type d'écrivain décidé à n'en plus finir avec les mots. L'œuvre va à vau-l'eau, et il ne peut plus que très rarement, dans un état où passion et mémoire se superposent face à son corps, rappeler à sa vie intérieur celui qui est le sous-bassement de sa plume : l'enfant.
De ces inconnues toujours répétées, Doctor Sleep s'aventure d'y revenir pour ce qui a l'allure d'un testament. The house burns but shine. C'est la morale, cette phrase, englobant tout le testament, le répète une dernière fois : shine.
Si c'est bien l'enfant que l'homme a perdu, je pense qu'il s'agit d'un film sur l'imagination (le shining), le moteur de l'auteur, perçue comme le chemin de fer de toute "création". La locomotive arrêtée, l'homme boit, il n'en sort pas. L'art est reflet, en partie, et l'auteur se reflète plus ou moins dans l'œuvre ; qui est Stephen King ? L'enfant ? L'adulte ? Sûrement les deux, mais ce que j'ai vu, c'est que l'écrivain a laissé son double dans la Némésis, cette horde de voleurs de vapeurs, de dévoreurs d'imaginations. Cette horde est en perte de victimes, c'est-à-dire d'enfants, comme le héros, et pourtant elle en a vu et dévoré. Comme cette œuvre immense qui dévore des milliers de pages -- sur l'être bouloté par ses cauchemars. Qu'en est-il de l'imagination ? La délicieuse vapeur ayant le rapport obligé de la douleur et de la mort ? Seul le milliardaire fait une confiance extraordinaire en cela, c'est le métier qui le veut.
En soi, le film est mauvais. Il n'est que le produit de la machine à avortement (sonnante et trébuchante) qu'est Hollywood.
Pour un bien meilleur film sur l'imagination : Fanny et Alexandre.