Le temps passe pour Antoine Doinel, maintenant adulte et même marié !
Quatrième escapade pour François Truffaut avec ce personnage, il continue de mettre en scène les différentes étapes de la vie, et s'arrête ici sur le couple, le mariage et la paternité.
Tout ce qui fonctionnait à merveille dans Baisers Volés est présent dans Domicile Conjugal, c'est-à-dire la façon dont le cinéaste installe son personnage si unique dans une bulle où il mêle légèreté et banalité de la vie. Il le fait avec finesse, usant de nombreuses trouvailles astucieuses (à l'image de quelques effets de caméra où il quitte une action un instant pour y revenir après une évolution cruciale), et chaque plan devient naturel et se mêle avec brio aux propos. En soi, le fond est à la fois simple et complexe, il parle de la vie tout simplement, et de la complexité du couple, des relations humaines ou parfois seulement des humeurs des uns et des autres.
On se laisse facilement entraîner dans cette douce mélancolie, c'est drôle, tendre et charmant à la fois, Truffaut met de la vie et de la poésie dans ce couple. Si Jean-Pierre Leaud brille toujours autant dans ce rôle, semblant être l'alter-ego du réalisateur, la très jolie Claude Jade prend une place considérable. Dès le long travelling initial sur ses jambes (et sa mémorable réplique, non pas mademoiselle, madame), elle brille et finalement prend autant de place que Leaud, et c'est tant mieux.
Ce couple prend beaucoup de place devant la caméra de Truffaut, Domicile Conjugal repose sur leurs épaules, et les éléments extérieurs se font plus rares et discrets que dans Baisers Volés qui brillait par tous les personnages gravitant autour d'eux. Les mœurs, l'époque, l'embourgeoisement, la liberté ou encore le travail, tant de sujets du quotidien prennent une place capitale ici. Très référencé, y compris envers les propres films de Truffaut, sans en devenir lourd, l'œuvre laisse aussi, et encore, une belle place à la capitale française, et la plongée dans les rues et les cours parisiennes est remplie de charme et d'aventure.
S'il n'hésite pas à user de l'ellipse, Truffaut met en scène toutes les étapes que peut traverser un couple, du mariage heureux jusqu'à l'adultère en passant par être père et mère. Il met en avant des sentiments complexes de manière simple et fine, élégante aussi. La personnalité atypique de Doinel lui permet de créer des scènes uniques, où le marié parle de son amante à sa femme (la scène au restaurant est superbe !). Même dans les moments compliqués, il ne place pas ses personnages dans des humeurs énervées ou trop changeantes, il y a une continuité, une complicité naturelle dans le couple, et on y croit.
Porté par les étincelants Claude Jade et Jean-Pierre Leaud, Domicile Conjugal continue l'exploration de la vie d'un Antoine Doinel maintenant marié, la caméra de Truffaut continue de nous emmener dans une bulle fraîche, légère, atypique et mélancolique.