Je n'étais pourtant pas le client légitime pour ce film. Mais Tony Scott m'avait déjà fait le coup avec Man on Fire. Là encore, j'ai plongé. Et j'ai aimé m'y noyer.
Il y a quelques fois, des rares fois, où un réalisateur ose triturer la grammaire. Car c'est purement de ça dont il s'agit. De réappropriation, d'expérience, sur la grammaire cinématographique. Et à ce jeu Tony Scott est un candidat surdoué. Trop, peut être. C'est en ça que Domino peut repousser, déplaire. Dépayser, serait plus logique. Domino oublie toute conventionnalité de grammaire. Tony Scott s'invente une écriture à la lisère de tout ce que le médium cinéma impose comme ressenti sensitif. Il triture, il malaxe, il mélange, il forge. Il n'est plus question d'image, de son, de sentiments en tant que composantes plurielles, s'ajoutant en couche successives. Dans Domino, tout cela ne forme qu'une seule matière première. Un son peut alors continuer narrativement parlant ce que les images montraient, là où usuellement il ne fait que surligner. Ultra sensitive, cette approche est alors tout sauf brouillonne. Comme presque toujours chez Tony Scott, l'action est d'une lisibilité sans faille. Ici, juste, c'est cette audace qui engendre une sentiment d'illisibilité. Dans Domino le spectateur n'est plus en terrain conquis. Il explore une grammaire explosive, souvent poussée dans un paroxysme à tendance prétentieuse, comme si Scott, certain de son talent, voulait emphaser ce qui est pourtant totalement évident.
Ce style, cette déferlente d'informations cognitives, suffit à faire de Domino un de mes films de références. Le reste, c'est à dire les acteurs au top de leur charisme (Rourke impérial, Keira en contre emploi, Tom Waits...), une bande son démente, c'est juste du bonus. Le formalisme me submerge déjà assez pour me faire cotoyer le nirvana. Un putain de plaisir que ce Domino.
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