Les horaires de ma fac sont parfois... disons bien singulier. Je l'ai découvert à mes dépends en finissant mes cours à 10h30 pour les reprendre 6h plus tard et les terminer une fois l'heure de l'apéro passé. Et ça me fout en rogne rater l'apéro. Je suis certain, qui que tu sois, que tu peux me comprendre au moins là dessus. Ça n'arrange rien en plus, quand comme moi, on est le seul à ne pas pouvoir rentrer chez soi les 6h de pause. Alors loin de moi l'idée de vouloir te faire culpabiliser à l'aide de cette maladroite bafouille pauvre lecteur, ce n'est absolument pas mon genre... Je n'oserais bien évidemment jamais faire ce genre de bassesses... Je suis l'innocence incarné moi monsieur ! (sauf une fois l'apéro passé, j'ai mes limites quand même) Toujours est-il que j'avais un paquet de temps à tuer et des cinémas qui me tendaient les bras. Et comme disait le proverbe : on ne refuse pas une main tendue. Après une rude réflexion il me restait le choix entre aller voir Don't Breathe et Juste la fin du monde. Mad Movies disait du bien de Don't Breathe, et le remake d'Evil Dead de Fede Alvarez, même si il est loin d'être exceptionnel, n'est pas aussi mauvais que sa réputation le laisse croire. Et puis je ne me sentais pas capable d'affronter seul au cinéma le style pompeux et artificiel de Dolan, et surtout ses groupies déchaînées qui mordent, refusent le débat et lancent des fatwas à la moindre critique de leur homme, de leur Xavier chéri.
La séance commence et moi je commence par grimacer de dégoût devant la piètre tentative de matraquage pour me faire rentrer dans la tête d'aller voir la dernière comédie française. Plusieurs trailers pour cette merde en devenir dont je tairais le nom pour ne pas lui faire le plaisir de lui faire de la pub. Franchement chez Pathé vous abusez et c'est assez pitoyable. Décidément Don't Breathe avait vraiment intérêt à être bon, parce que moi je n'étais pas d'humeur.
Le film commence et on appréciera le traitement d'un certain contexte social, à savoir celui des white trash de Détroit. Cependant on regrettera le manque de subtilité sur certains points du traitement de ce contexte, je pense notamment à la famille de l'héroïne. Un point qui justifie intelligemment certaines décisions prises par l'héroïne au cours du film, malgré le fait que le côté redneck de cette famille soit traité d'une manière qui ne brille pas par sa subtilité.
En tout cas ce début et les quelques scènes de pathos plus ou moins utile me faisaient quand même douter de la qualité de ce film. Cependant l'histoire se met vite en place et le pathos laisse place au braquage de la maison de ce vétéran de la guerre du Golfe aveugle et isolé par les trois jeunes, autrement dit, les choses sérieuses commencent. La maison est très bien exploitée devenant un véritable labyrinthe aussi tortueux que vicieux nous réservant son lot de surprise. La mise en scène composée essentiellement de long travelling met en valeur ce lieu et vogue d'un personnage a un autre tout en conservant une certaine tension pouvant éclater d'un coup, sans prévenir, de manière violente et impitoyable, et ce de l'entrée de ces jeunes dans la maison à la toute fin du film. L’esthétique travaillé de cette ruine de fin fond de quartier délabré participe grandement au malaise ambiant. Sur ces deux points le film pourra évoquer Green Room de Saulnier, un autre très bon survival impitoyable sorti cette année également.
Le personnage d'aveugle joué par Stephen Lang permet un véritable jeu du chat et de la souris aussi prenant que tordu et dérangeant. Le tout amenant à une inversion des rôles où les chasseurs à la base bien sûr d'eux muent en de véritables proies apeurés. Car comme disait le proverbe : quand le chat est aveugle, les souris dansent pour leurs vies.
Un jeu sur la musique, sur les sonorités et même sur le silence est également à noter, maintenant la pression et les nerfs des personnages autant que du spectateur aux rythmes du moindre de leurs emballements. Logique quand un des personnages principaux est aveugle, essentiel même, apportant un vrai plus à l'histoire. Fede Alvarez évite ainsi assez intelligemment l'abus de jump-scare, fait trop rare dans les films d'horreurs Américains actuels pour ne pas être remarqué et ce sont mes tympans qui l'en remercient.
On pourra certes pester sur le côté prévisible du twist débouchant sur un quatrième acte, cependant ce côté est rattrapé par la tension des scènes sur lesquelles il débouche.
La fin est ouverte. Cependant elle évite l'écueil du teasing grossier d'une suite, utilisé à outrance dans les films Marvel et DC, puisqu'elle permet de développer de manière assez surprenante un propos, bien qu'assez peu subtil, assez cynique, qui ne manquera pas d'en faire sourire plus d'un.
Au final je ne regrette pas d'avoir attrapé cette main tendue que me faisaient le cinéma et ce film, qui ne paie pourtant pas de mine, pour m'aider à tuer tout ce temps. Je devrais récidiver à l'occasion, quand mon emploi du temps me confrontera à nouveau à ce genre d'horaires bigrement fâcheux, car je sais qu'il en est capable le bougre. Après tout je serais bien bête de refuser une main tendue.