Critique N°346: Le renouveau du genre "Home-Invasion".

Fede Alvarez est un réalisateur peu connu du grand public et pour cause, il n'a jamais fait de film grand public. Avec Don't Breathe, sans le sous-titre français tout pourri, il signe son deuxième long-métrage, 3 ans après avoir sorti son remake choc du film de Sam Raimi, Evil Dead. Lors de la sortie de son premier film, le réalisateur avait insisté sur le fait qu'il n'aimait pas la violence gratuite. Pourtant, son film avait pris une interdiction aux moins de 16 ans et le réalisateur avait décidé de ne pas incorporer le personnage culte de Ash, pour mieux se démarquer de l'original. Enfin bref, cette fois-ci le réalisateur nous propose un nouveau choc cinématographique avec Don't Breathe, un thriller terrible où les personnages ne sont jamais au bout de leur surprise et où le mal fait son nid un peu plus chaque minute qui passe. Doté d'une mise en scène extrêmement rigoureuse, Don't Breathe est probablement un des thrillers de l'année 2016. Retour sur la nouvelle pépite de Fede Alvarez.

Petit rappel concernant l'histoire de Don't Breathe: L'histoire raconte l'aventure de 3 adolescents issus de milieux un peu miséreux. Pour pouvoir vivre leur rêve, c'est-à-dire, sortir de la ville de Détroit, les 3 amis cambriolent des maisons sans dépasser la somme symbolique de 10 000 dollars. Un jour, une personne louche leur propose un contrat à 300 000 dollars. Les amis sont un peu hésitants mais ne tardent pas à se rendre compte que la victime de leur prochain cambriolage est aveugle. Ils pensent donc que le cambriolage devrait se passer tranquillement. Ils sont loins de se douter que le cauchemar ne fait que commencer...

Du point de vue du scénario, Don't Breathe ne représente pas vraiment une révolution. On peut presque dire que c'est du déjà-vu pour un "Home Invasion". Le seul bonus que nous propose ce film est le fait que la victime soit une personne aveugle. Le scénario met en avant le fait que le personnage est aveugle à travers le personnage d'Alex qui est le seul ayant un soupçon de morale dans le groupe de 3. Mais finalement, le film nous propose un gros travail sur le personnage de Rocky et sur celui de l'aveugle, délaissant quelque peu les deux autres personnages que sont Alex et Money. Nous allons voir cette analyse des personnages dans le détail.

Commençons par le personnage de Rocky: c'est un personnage simple et un peu stéréotypé. On retrouve les grands traits des personnages féminins des films d'épouvante-horreur à savoir, la fille intelligente mais souvent en détresse ayant besoin de ses amis pour survivre. On a du mal à ressentir de la pitié pour ce personnage, d'une certaine manière, elle a mérité ce qui lui arrive, on ne cambriole pas une maison impunément. Même si c'est une voleuse, les scénaristes nous offrent une sorte de porte de sortie pour ce personnage à travers le regard de la petite sœur qui veut vivre une meilleure vie. Finalement, tout ce que veux Rocky c'est offrir une meilleure vie à petite sœur. Est-ce pour autant normal de cambrioler des maisons? A vous de juger.

Passons maintenant au personnage si tordu de l'aveugle qu'il en devient passionnant. Avec ce personnage, les scénaristes nous proposent un personnage terrifiant et complètement fou. L'histoire du personnage est sombre et sa plongée dans la folie est compréhensible. Je ne vais pas développer en détail l'histoire du personnage car cela gâcherai le film. Comme nous le montre la bande-annonce du film qui ne montre rien des éléments vraiment importants du point de vue scénaristique, l'aveugle est impitoyable. C'est une sorte de tueur froid et dépourvu de sentiment. Mais c'est sur le point de vue de la mise en scène que ce personnage prend tout son sens dans le film.

Voilà donc pour l'analyse des personnages. Je vais maintenant passer à l'analyse de la mise en scène choisi par Fede Alvarez pour son Don't Breathe. Pour la première fois depuis longtemps, le film nous offre une vraie expérience terrifiante même si le film n'est pas un film d'épouvante-horreur comme Conjuring ou Sinister, il en possède les courbes affirmées par l'utilisation de quelque "screamer" ainsi que des passages sous tension très bien mis en scène. A l'inverse de son précédent film, Fede Alvarez a choisi de mettre en avant une mise en scène lisse. Nous allons voir comment le réalisateur procède pour mettre en avant le caractère singulier de ses personnages.

Depuis longtemps dans ce genre de film, je n'avais pas vu une utilisation de plan séquence aussi splendide. Le plan séquence est souvent utilisé pour mettre en avant la frayeur du spectateur car cela permet de placer des éléments faisant sursauter comme dans Paranormal Activity 3 dans lequel la caméra pivotante constituait une sorte de plan séquence effrayant à chaque fois que cette dernière pivotait. Dans Don't Breathe, Fede Alvarez a préféré se servir de cette technique pour mettre en avant les moments les moins stressants de son film. Le plan séquence le mieux utilisé dans ce film est le plan séquence du cambriolage où tous les événements s'enchaînent avec une fluidité impressionnante. Pour la suite du film, le réalisateur utilise majoritairement une caméra fixe qui avance ou recule sur les éléments importants du film que ce soient les personnages ou bien des éléments du décor. Mais le grand moment du film est le passage où les personnages sont plongés dans le noir total. Là, Fede Alvarez utilise une caméra avec filtre pour permettre aux spectateurs de voir les actions mais il faut savoir que les acteurs ont été plongés dans le noir complet pour cette séquence. Il était donc impossible de faire un plan séquence avec ce passage même si cela aurait conféré un effet de style plus impressionnant mais les techniques ne permettent pas encore et la sécurité des acteurs est bien plus importante qu'un simple séquence.

Concernant l'utilisation de la violence qui est quand même le sujet principal du film car c'est un véritable règlement de compte que se livrent les personnages dans cette maison, je trouve que le réalisateur n'a pas abusé du sang comme il avait pu le faire sur Evil Dead. Cette fois-ci, le sang est minimisé mais présent. Finalement, cela me semble être un choix logique puisque l'abus de sang aurait fait perdre en crédibilité l'affrontement entre les personnages. Pour accentuer le jeu des acteurs, Fede Alvarez a choisi de mettre des lentilles spéciales pour rendre leurs performances encore plus crédible. Encore une fois, Fede Alvarez ne manque pas d'ingéniosité pour rendre son film le plus crédible possible.

Voilà donc pour l'analyse de la mise en scène. Il me reste un dernier point à développer, est-ce que le casting est convaincant. Difficile de convaincre pour le personnage de Money car ce dernier connait un sort funeste comme nous le montre la bande annonce. Je vais donc parler essentiellement des trois autres acteurs, Scott Lang; Jane Levy et Dylan Minette. Je vais commencer par la performance de Dylan Minette. Je ne l'avais jamais vu auparavant et commencer par un film de ce genre n'est jamais facile car cela peut très vite catégoriser la carrière d'un acteur. Dylan Minette joue le rôle d'Alex, le seul des personnages qui semble doté d'une certaine morale. Il se retrouve face à des acteurs ayant déjà une petite carrière derrière eux mais il ne se démonte pas pour autant et reste très convaincant. Parlons de Jane Levy maintenant. Les plus fans d'entre nous auront reconnu l'actrice qui avait déjà joué dans Evil Dead. Cette fois-ci, l'actrice joue un rôle difficile car c'est probablement le personnage qui subit le plus dans le film. Malgré tout, sa performance reste convaincante surtout sur la fin du film où elle m'a donné l'impression d'en vouloir vraiment à Scott Lang. Pour finir, je vais parler du grand méchant de ce film, le personnage de l'aveugle joué par Scott Lang dont la carrière n'a jamais vraiment explosé malgré des seconds rôles très intéressants comme dans Avatar par exemple. Je n'ai pas vu beaucoup de films de cet acteur mais là je dois avouer qu'il m'a glacé le sang avec son interprétation. Je pense qu'il a passé du temps avec un vrai aveugle pour pouvoir sublimer au mieux sa performance.

Don't Breathe est un thriller éprouvant de Fede Alvarez mettant en scène une histoire hors du commun. Cette histoire sombre et violente nous entraîne dans une maison aux couloirs sombres et aux parquets grinçants. Grâce à des acteurs au sommet de leur forme et une mise en scène mariant plans fixes et plans séquences sans abuser des effets de l'épouvante, Fede Alvarez nous offre un spectacle court et efficace. Cette histoire mêle deux mondes qui se complètent dans leur caractère "miséreux", bien loin de l'Amérique idéalisée que nous vendent les médias aujourd'hui. Même si Fede Alvarez n'a pas l'intention de cibler le système américain, on peut faire un rapprochement logique entre le personnage de Rocky et la guerre des classes qui fait rage aux Etats-Unis. Attention ce film est violent et ne doit pas être mis sous tous les yeux. Par contre, ce film vaut vraiment le coup d’œil. Don't Breathe, un choc éprouvant.