Au début des années 90, Sammo Hung va enchainer plusieurs petits films modestes mais qui néanmoins valent le coup d’œil. Pantyhose Hero (1990), Slickers vs Killers (1991), Ghost Punting (1992), Moon Warriors (1992), autant de titres aussi mineurs que très sympathiques voire réellement bon. Mais le milieu de années 90 est une période assez difficile pour le cinéma de Hong Kong, d’autant plus pour Sammo Hung qui, après l’échec cuisant du pourtant absolument génial Blade of Fury (1993), il prend une année sabbatique. En 1995, il tente de remettre sur le devant de la scène la formule des trois dragons, à savoir réunir dans un même film Jackie Chan, Yuen Biao et lui-même comme on l’avait déjà vu dans Le Marin des Mers de Chine, Soif de Justice, ou Dragons Forever. Problème, Jackie Chan ne pourra pas y participer, trop occupé sur le film Jackie Chan dans le Bronx. Qu’à cela ne tienne, Sammo Hung fait appel au petite jeune qui monte, Takeshi Kaneshiro, pour remplacer Jackie est c’est parti pour un Don’t Give a Damn qui n’est clairement pas à la hauteur des meilleures productions de Sammo Hung mais qui sait rester très divertissant.


Nous sommes ici dans une comédie d’action qui n’hésite pas à virer dans la grosse bouffonnade graveleuse mais qui sait se faire très sérieuse quand il y a besoin. Le cocktail est donc simple : beaucoup d’humour, de l’action et de la bonne baston, pour un résultat qui, bien que mineur, arrivera sans souci à régaler l’amateur de cinéma de Hong Kong malgré ses (gros) défauts. Car oui, il y en a, et Don’t Give a Damn en est farci. On a par exemple l’impression que le film a été fait à la va-vite, avec certaines scènes imparfaites qui auraient pu facilement être refaites, et il règne parfois un côté assez anarchique. L’ensemble est un peu découcu et on a parfois l’impression d’assister à des petites scénettes qui auraient été mises bout à bout. Il y a bien une maigre intrigue avec les différentes histoires de cœur au commissariat pendant une bonne partie du film, mais elles sont abandonnées dès que la dernière partie pointe le bout de sa pellicule. Malgré tout, cette anarchie donne un certain charme au film. La mise en scène est également un peu étrange, parfois très clipesque, comme si Sammo Hung avait été charmé par ce qu’avait fait Wong Kar-Wai l’année précédente sur Ashes of Time, film sur lequel il était chorégraphe, et qu’il avait tenté de refaire ça à sa sauce ici. Le résultat est un peu déstabilisant, comme si Andrew Lau était officieusement directeur photo, lui qui aimait ce genre de plans de caméra « tremblants et désorientés », même si on finit par s’y habituer. Le défilé de têtes connues du cinéma de Hong Kong fait un peu forcé, comme si tous les copains de Sammo Hung étaient venus faire coucou devant la caméra, aussi bien dans les premiers rôles que dans les nombreux acteurs venus simplement faire un cameo comme par exemple Richard Ng, Blacky Ko, Michael Miu, Nat Chan, Billy Lau Lau Kar-Wing, Leung Kar-Yan, Chin Siu-Ho et bien d’autres. On notera d’ailleurs la présence de deux des fils de Sammo Hung, à savoir Timmy Hung et Jimmy Hung. Néanmoins, cet énorme casting fait réellement plaisir à voir et pas une scène ne passe sans qu’on reconnaisse très facilement quelqu’un venu juste faire le con dans un film qui l’est tout autant.


Côté humour, ça se lâche complètement, peut-être un peu trop même. Tous les acteurs sont complètement déchainés et on sent que tout ce beau monde s’amuse et s’efforce de faire le pitre pour amuser le spectateur, quitte à basculer parfois vers le très limite. Par exemple, la scène où Yuen Biao et Takeshi Kaneshiro sont pients en marron des pieds à la tête et bougent comme des gags de blacks de New-York des années 80, on tombe dans le racisme de bas étage. Cette scène de black face a d’ailleurs fait polémique chez les américains qui ont découvert le film sous le titre Burger Cop. Et pourtant, je reste persuadé qu’on est là plus dans un gag stupide et naïf plus que dans du racisme. Pas mal de scènes arrivent à faire mourir de rire tellement elles versent joyeusement dans le ridicule. Certaines chamailleries entre Sammo Hung et Yuen Biao (la scène dans les vestiaires) sont assez irrésistibles, tout comme la scène des verres dans le restaurant. Clairement, il ne faut à aucun moment prendre Don’t Give a Damn au sérieux sinon c’est un coup à le trouver tordu et offensant. On a parlé de l’aspect comédie, évoquons maintenant l’action. Bien qu’on regrette qu’il y en ait au final assez peu, l’action étant essentiellement concentrée dans le final, les bastons et les gunfights valent vraiment le coup d’œil. Ça n’a pas la pêche des films de Sammo des années 80 tels que Eastern Condors, Shanghai Express ou encore Pedicab Driver, mais l’action est malgré tout éminemment sympathique. On saluera les chorégraphies qui, à défaut d’être très élaborées, sont efficaces et haureusement car avec un tel casting martial, à savoir Yuen Biao, Sammo Hung, Ngai Sing, et même Takeshi Kaneshiro qui se débrouille bien (assumant lui-même plusieurs de ses cascades), on était en droit d’attendre quelque chose de réussi. La grosse scène finale, qui va enchainer durant 15 minutes gunfights wooïens et plusieurs bastons pieds/poings, vaut de toutes façons à elle seule qu’on s’intéresse un minimum à Don’t Give a Damn.


Film mineur dans la filmographie de Sammo Hung, Don’t Give a Damn reste néanmoins une comédie policière des plus plaisantes. L’humour y est parfois très tordu et l’action, réussie, au final assez rare, mais on passe un bon moment.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-dont-give-a-damn-de-sammo-hung-1995/

cherycok
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le 22 août 2024

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